Des femmes en tunique rouge depuis 40 ans

Transcription

Durée de la vidéo : 11:12 minutes

Cette vidéo présente des entrevues distinctes auprès de cinq femmes (trois qui faisaient partie de la première troupe de femmes et deux membres de longue date de la GRC) qui ont pavé la voie aux policières à la GRC. Elles nous parlent de leur carrière remarquable.

(La vidéo commence par un photomontage montrant les premières cadettes à l'École de la GRC, la Division Dépôt, entrecoupé de vidéos dans lesquelles chaque femme est interviewée. De la musique joue en arrière-plan.)

(Photos de membres de la troupe 17 en uniforme, dans une salle de classe et en train d'essayer des chapeaux)

Bev Busson : Quand ils ont dit qu'ils prenaient des femmes, c'est comme si la foudre était tombée. Je me suis dit : « C'est mon destin. Cela n'arrive pas pour rien. »

(Photo de membres de la troupe 17 en tenue civile sur les terrains de la Division Dépôt)

Karen Adams : Et je me souviens avoir demandé à mon père : « Papa, comment ça se fait qu'il n'y ait pas de femmes dans la GRC? » Il m'avait simplement regardé en disant : « Parce qu'il n'y en a pas. » Sans vraiment plus d'explication. Par ailleurs, s'étaient les années 70.

(Photo de la troupe 17 qui défile en uniforme de cérémonie sur les terrains de la Division Dépôt)

Cheryl Joyce : Et c'était comme si des poissons dans un bocal parce que n'importe où nous marchions ou défilions, les caméras nous suivaient, même quand nous essayions de prendre un repas. Et tout le monde attendait de voir si nous allions réussir ou non.

(Photo de membres de la troupe 17 attablées au mess et défilant dans la salle d'exercice)

Louise Lafrance : Je me souviens aussi, y'a certaines perquisitions où est-ce que j'entendais les gars dire : « Ah, on n'emmènera pas une fille là. Qu'est-ce qu'on va faire avec elle? On va être pogné avec elle. »

(Photo de membres de la troupe 17 en train de suivre une formation sur les armes à feu)

Line Carbonneau : Je pense que ce que les femmes ont amené dans l'organisation c'est une… une façon différente de penser, une façon différente de voir les choses, une approche complètement différente dans certaines situations.

(Photo officielle de la troupe 17)

TITRE : Des femmes en tunique rouge depuis 40 ans

TEXTE : Pour souligner le 40e anniversaire de l'arrivée de femmes en tunique rouge à la GRC, quelques membres de la troupe 17, la première troupe féminine, et d'autres pionnières se sont réunies pour réfléchir à leurs débuts.

(Images vidéo des cinq femmes interviewées qui sont assises dans un salon et discutent ensemble en regardant des photos du début de leur carrière)

TITRE : NOUS EMBAUCHONS!

Lafrance : (TEXTE : Comm. adj. Louise Lafrance, commandante, Division Dépôt

Il y avait un kiosque de la GRC puis je me souviens encore de ce membre-là, un homme, et puis je n'avais vraiment pas d'idées c'était quoi la GRC, mais cet homme-là avait tellement un charisme incroyable que quand je l'ai regardé je me suis dit : « Quand je vais être grande, c'est ça que je veux faire. »

Busson (TEXTE : Com. Bev Busson (à la retraite), GRC, Troupe 17, 1974) : Elle a dit : « Nous prenons les femmes à la GRC ». Le gars a dit : « Je viens d'entendre ça aux nouvelles ». Il avait l'air stupéfié, comme si c'était la fin du monde. Et puis il a dit rapidement : « Bon, qu'est-ce qu'on fait? » Il a ajouté : « Donne-lui un formulaire de demande. » C'était le jour 1.

(Portrait de Karen Adams en 1974)

Adams (TEXTE : Cap. Karen Adams (à la retraite), GRC, Troupe 17, 1974) : Quand j'y repense… j'avais 22 ans. J'étais très très naïve. Je n'avais jamais vu de policière sauf Ève dans la série Ironside. Je me suis dit : « Si elle est capable, moi aussi, bon sang! »

(Images vidéo des cinq femmes interviewées qui sont assises dans un salon et discutent ensemble en regardant des photos du début de leur carrière)

TITRE : LES DÉBUTS À LA DIVISION DÉPÔT

(Séquence vidéo en noir et blanc montrant des recrues qui défilent à la Division Dépôt, en 1975)

Joyce (TEXTE : Cap. Cheryl Joyce (à la retraite), GRC, Troupe 17, 1974)
J'étais émerveillée. Et j'étais excitée. J'avais tellement hâte de rencontrer les autres. »

(Photo de deux membres de la troupe 17 avec leurs bagages à leur arrivée à la Division Dépôt)

Busson : Une membre de l'Alberta, qui n'avait pas reçu la note sur l'interdiction de conduire son véhicule sur la base, surtout jusqu'à un dortoir, s'y était avancée et avait arrêté son véhicule. Prenant le sergent instructeur pour un genre de portier, elle lui a demandé de l'aider à décharger ses bagages. Les choses ne se sont pas bien passées. Il y a eu beaucoup de cris; nous avons couru à la fenêtre pour découvrir notre compagne, médusée, se faisant crier par la tête avec quelque chose à l'effet de : « Si tu ne peux pas entrer tes affaires toi-même, t'es mieux de retourner chez toi. » Nous avons pris ses bagages avant qu'elle ait le temps de changer d'idée et nous l'avons entraînée dans l'escalier. Nous n'allions pas la laisser partir.

(Photo d'un groupe de la troupe 17 en train de cirer leurs chaussures)

Lafrance : La camaraderie au niveau de la GRC est quelque chose de vraiment unique. On fait partie d'une grande famille, puis à partir du moment où les gens arrivent à Dépôt, on commence à penser de la GRC comme une famille, et comme on est proche ensemble.

(Photo de la troupe 17 en formation de manœuvre dans la salle d'exercice)

Busson : Nos uniformes ont été créés par la compagnie qui avait dessiné les uniformes des agentes de bord d'Air Canada. Vous imaginez qu'ils n'étaient pas très pratiques pour le travail policier.

(Photo de membres de la troupe 17 au moment où on leur remet leur uniforme, y compris leurs chaussures)

Joyce : Nos souliers avaient un talon d'environ un pouce et demi. Et évidemment, il fallait aller sur le terrain… Je suis un jour allée dans un secteur rural, où j'ai fait une poursuite à pied dans un champ labouré. Par la suite, je suis allée voir mon sergent d'état-major et je lui ai dit : « Vous savez, ces souliers ne conviennent pas du tout. Il faut régler ça. »

(Photo d'une membre de la troupe 17 au champ de tir)

Busson : Ils voulaient nous faire porter un pistolet dans une sacoche pour le travail opérationnel. Ça ne s'était jamais vu. Nos instructeurs à Dépôt nous ont dit que nous avions plus de chance de réussir à frapper des gens avec cette sacoche qu'à en sortir un pistolet.

(Plusieurs photos de membres de la troupe 17 : une policière au champ de tir, une policière et un membre du public à côté d'une voiture, des recrues soulevant des poids)

Carbonneau (TEXTE : S.-comm. Line Carbonneau (à la retraite), GRC, 1975) : Je ne peux pas dire que j'en garde de mauvais souvenirs. Ça été difficile, mais c'était correct, c'était correct. Ce n'était pas si pénible que ça au fond. Alors je me dis si nous on a passé au travers comme ça, l'avenir est excellent pour le futur de l'organisation.

(Images vidéo des cinq femmes interviewées qui sont assises dans un salon et discutent ensemble en regardant des photos du début de leur carrière)

TITRE : PREMIÈRES AFFECTATIONS

Adams : La secrétaire est venue au comptoir et a dit : « Oh! Puis-je vous aider? » J'ai répondu : « Bien sûr. Je m'appelle Karen Somers. Je suis la nouvelle membre. » Elle m'a regardée, elle avait l'air un peu troublé, et a dit : « O.K. O.K. O.K. Je vais chercher le chef de détachement. » J'ai dit : « O.K. », puis je suis restée plantée là très patiemment. Tout à coup, j'ai vu du coin de l'œil une série de têtes qui s'approchaient pour jeter un coup d'œil furtif, et qui semblaient dire : « Oh! C'est de ça qu'elle a l'air. »

(Images vidéo en noir et blanc filmées en 1975 et montrant une policière circulant dans une ville au volant d'une voiture de la GRC, puis sortant de l'immeuble d'un détachement et montant à bord d'un véhicule de police)

Joyce : Pendant ma première affectation à Stony Plain, nous devions patrouiller dans deux réserves et nous travaillions seuls. Je pense que je suis vite devenue très à l'aise parce que je savais que c'était la façon de travailler. Honnêtement, je n'ai jamais eu peur – peut-être un peu d'appréhension, mais je devais faire mon travail.

(Images vidéo en noir et blanc filmées en 1975 et montrant une policière circulant dans une ville au volant d'une voiture de la GRC)

Busson : Le sergent d'état-major m'a fait entrer dans le bureau et m'a dit : « Tu sais que tu fais ton premier quart de nuit ce soir !» J'ai dit : « Oui. » Il a continué : « As-tu peur? » J'ai répondu : « Non. Pas particulièrement. » Il a rétorqué : « Eh! Bien moi, oui. » Puis il m'a remis un coussin en disant : « Je veux que tu t'assoies là-dessus ce soir. » Je lui ai demandé : « Pourquoi? Je vois très bien à l'extérieur de l'auto-patrouille. » « Peut-être, m'a-t-il dit, mais tu auras l'air plus grande, et c'est important, parce que tu n'as pas l'air très grande dans l'auto-patrouille. Quand tu circuleras, si tu as l'air plus grande, les gens te feront moins la vie dure. »

Carbonneau : Quand je suis arrivée à Québec on m'attendait. Mais y'avait déjà quelqu'un qui avait passé. Il y avait une fille qui était là avant moi. Elle était dans un autre secteur. Moi j'étais affectée à la section douanes et accises. Et puis, on m'attendait mais ce qui est arrivé c'est qu'il y avait un gros gros projet en cours. Puis ce projet là a fait en sorte que j'ai été facilement intégrée avec le groupe. Parce qu'on faisait énormément de surveillance. On travaillait 24 heures par jour. Puis ça a duré comme deux mois. Donc, on a appris à se connaître beaucoup puis moi ça a facilité mon intégration et puis j'ai appris à connaître mes collègues de travail aussi. Puis même, il y en a qui s'en vantent encore, ils ont été beaucoup mes protecteurs. Alors je n'ai pas vraiment subi de choses majeures parce que j'avais confiance en ces gens-là. Eux avaient confiance en moi et puis on s'est bien intégré ensemble.

(Images vidéo des cinq femmes interviewées qui sont assises dans un salon et discutent ensemble en regardant des photos du début de leur carrière)

TITRE : OUVRIR LA VOIE

Joyce : Il n'a pas été difficile de nous faire accepter par la plupart des gars, mais il y en avait toujours un qui croyait que nous n'avions pas d'affaire là et qui ne voulait pas travailler avec des femmes. Ou il y avait des commentaires du genre : « Je veux parler à un vrai membre. »

(Images vidéo en noir et blanc filmées en 1975 et montrant une policière et un policier qui marchent sur un terrain de stationnement et montent à bord d'un véhicule de police)

Carbonneau : Je me souviens une fois où il y avait un gars qui m'a regardé et me dit : « Es-tu une femme police? » et bien je lui ai dit : « Oui, je suis les deux. Je suis une femme et je suis une police. »

Joyce : « Où est la femme police? Je veux que ce soit elle qui s'occupe de moi. » Je me rappelle, une nuit, j'étais à la maison et je dormais profondément. Une femme avait été arrêtée, et elle était bien décidée à ne pas se laisser amener en cellule avant que j'arrive. Je suis allée au poste – ça n'a pas pris de temps – et quand je suis arrivée, elle a dit : « Enfin! O.K. On peut y aller. »

(Séquence d'images vidéo en noir et blanc filmées en 1975 et montrant une policière qui sort d'un véhicule de police et entre dans un détachement, et deux policiers qui font une fouille sur le côté d'une maison)

Adams : Un jour, nous faisions une fouille à Winnipeg, et un gars a sorti par la porte en courant. Nous ne voulions pas qu'il sorte. Nous nous sommes mis à trois pour le rattraper et nous avons réussi à le maîtriser au sol. C'est moi qui lui ai passé les menottes, et mon partenaire a dit : « Karen, tu fais partie de l'organisation, tu fais partie de l'unité, et nous avons confiance en toi. » Ça a été un moment très important pour moi.

(Photo d'une membre de la troupe 17 en train de travailler dans un bureau de détachement)

Lafrance : Disons que c'était pas bien reçu initialement et puis même les épouses des policiers avaient fait une pétition pour essayer d'empêcher mon embauche là-bas et puis il y avait plusieurs choses qui se passaient de ce style-là et puis il a fallu…. j'ai adressé les femmes des policiers pour les rassurer que j'étais pour être là, que j'étais bien formée et mon but était vraiment de travailler et rien d'autre que les gens pouvaient s'imaginer.

(Images vidéo en noir et blanc filmées en 1975 et montrant deux policiers qui aident un homme à se relever)

Busson : Il a fallu quinze ans pour que les femmes aient le droit de porter l'uniforme que tous reconnaissent comme l'emblème de la Gendarmerie, avec le stetson et les bottes brunes à tige haute.

(Photos récentes en couleur montrant une policière portant la tunique rouge et des membres d'une troupe en tunique rouge dans la salle d'exercice)

Adams : Je me souviens que je suis rentrée à la maison. Mes filles étaient encore à l'école. Je me suis regardée dans le miroir, j'ai mis mon stetson, et je me suis mise à pleurer. C'était un très, très grand jour pour moi – avoir enfin la même apparence que nos collègues masculins.

(Séquence vidéo récente d'une policière qui répond à un appel)

Lafrance : Mais quand il y a une femme là souvent la personne qui est devant toi sent pas le besoin de te confronter physiquement parce qu'ils savent que évidemment si on a une confrontation physique, vraiment je parle d'une bataille, que les hommes sont généralement en avantage. C'est la réalité.

(Séquence vidéo récente d'une policière qui entre dans un commerce et parle à un membre du public)

Busson : Le milieu policier canadien a une tradition surtout axée sur la police communautaire, qui fait partie d'une solution plus large. Je crois que c'est pour ça qu'au Canada, nous appelons nos agents de police « agents de la paix » plutôt qu'agents d'application de la loi, parce que l'application de la loi, c'est ce qu'on fait quand rien d'autre ne fonctionne.

(Séquence vidéo récente d'une policière qui interagit avec un groupe d'enfants devant une école)

Lafrance : Aujourd'hui, la compassion c'est une de nos valeurs fondamentales à la GRC, une de nos six valeurs fondamentales. Je suis convaincue que c'est l'arrivée des femmes et puis des premières femmes, je ne parle même pas de moi dix ans plus tard, des premières femmes à la GRC qui a fait changer cette attitude-là envers la façon, l'approche envers les gens.

(Photo de membres de la troupe 17 lors de retrouvailles portant un t-shirt sur lequel il est inscrit « We're still number 1 » (Pionnières et fières de l'être))

Carbonneau : Et finalement c'est resté. C'est encore ancré au sein de la division et le commandant actuel a poursuivi ce que j'avais commencé. C'est valorisant de voir ce que t'as essayé de mettre en place, ce que t'as débuté, finalement abouti à quelque chose et que ça se poursuit. Je retourne régulièrement au bureau parce que maintenant je suis présidente de l'Association de retraités et puis des fois j'ai l'impression que je n'ai pas vraiment quittée.

(Photo de membres de la troupe 17 lors de retrouvailles et montage de photos récentes de policières de la GRC)

Adams : Aujourd'hui, tout est possible pour les femmes, alors que c'était impensable il y a 40 ans. Et pour moi, ça c'est très excitant pour la prochaine génération de femmes dans la GRC.

(Dernière image, qui montre une policière en tunique rouge)

(Signature de la GRC, © Sa Majesté la Reine du Canada représentée par la Gendarmerie royale du Canada)

(Mot-symbole du Canada)

Cette vidéo est aussi disponible sur YouTube en haute résolution.

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