La commissaire adjointe Rhonda Blackmore fait une déclaration de victime dans le cadre de la procédure relative à la détermination de la sentence de l’accusé dans l’affaire de l’homicide du gendarme Shelby Patton

12 janvier 2024
Regina (Saskatchewan)

Déclaration

Aujourd'hui, la commissaire adjointe Rhonda Blackmore, commandante divisionnaire de la GRC de la Saskatchewan, a fait une déclaration de victime dans le cadre de la procédure relative à la détermination de la sentence de l'accusé dans l'affaire de l'homicide du gendarme Shelby Patton. L'accusé a plaidé coupable d'homicide involontaire. Sa peine sera prononcée le 29 février 2024.

La mort déchirante et absurde du gendarme Patton a touché tant de gens : sa famille, ses amis, ses collègues, y compris les policiers et le personnel qui travaillaient à ses côtés au Détachement d'Indian Head, mais aussi les employés de la GRC de la Saskatchewan dans toute la province. Nous continuons à pleurer sa mort aujourd'hui.

La déclaration de victime figure ci-dessous.


Je m'appelle Rhonda Blackmore. Je suis commissaire adjointe et commandante divisionnaire de la GRC de la Saskatchewan. Je supervise les activités policières de la GRC dans cette province.

Le 21 juin 2021 est une date qui restera à jamais gravée dans ma mémoire. Le temps était beau et ensoleillé ce samedi matin là quand j'ai reçu la terrible nouvelle de la mort du gendarme Shelby Patton, qui avait été tué alors qu'il répondait à un appel concernant un véhicule volé. Un véhicule volé – un appel que nous recevons chaque semaine, sinon chaque jour, dans de nombreuses communautés de la Saskatchewan et du Canada. Un policier qui avait fait le serment de protéger le public avait été tué uniquement parce qu'il faisait son travail. Je ne peux qualifier cette nouvelle que de terrible et je ne suis pas sûre que cela décrive correctement l'effet que la mort de Shelby a eu sur moi-même et sur les employés de la GRC dans cette province.

En tant que commandante, j'ai la responsabilité de veiller à ce que les employés de la GRC en Saskatchewan aient la formation, les outils et l'équipement nécessaires pour pouvoir faire leur travail dans des conditions de sécurité optimales. Cependant, le 12 juin 2021, je n'aurais rien pu faire de plus pour protéger le gendarme Patton parce que des personnes tenaient à ne pas se faire prendre après avoir commis un crime – elles étaient en possession d'un véhicule volé – et n'avaient aucun égard pour la vie de Shelby.

Étant donné que j'étais la commandante, j'ai estimé qu'il était de ma responsabilité d'informer l'épouse du gendarme Patton de sa mort. Je me suis rendue au Détachement d'Indian Head, où les collègues du gendarme Patton étaient sous le choc de la terrible nouvelle de sa mort. L'épouse du gendarme Patton n'était pas chez elle, mais elle a été informée que nous voulions lui parler et elle est arrivée au détachement. Elle savait qu'un malheur était arrivé, mais quand je lui ai annoncé que Shelby était mort, j'ai vu son univers s'effondrer. Au cours de mes 28 années de carrière dans la police, j'ai informé à de nombreuses reprises des proches de la mort d'un être cher, et c'est toujours difficile et dramatique pour la famille qui reçoit la nouvelle. Mais cette fois-là, c'était différent pour moi. C'était beaucoup plus personnel. Un jeune homme avait été appelé pour tenter d'appréhender les responsables du vol d'un véhicule. Il faisait exactement ce qu'il faisait toujours, parce qu'il était un excellent agent, compétent et fier d'être membre de la GRC : il protégeait sa communauté. Je me sens responsable de la protection des jeunes agents, et le gendarme Patton était l'un d'eux. Je me sens tenue de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que ces hommes et ces femmes retournent dans leur famille après chaque quart de travail. Pourtant, ce jour-là, je n'ai pas pu le faire. J'ai dû dire à cette jeune femme qu'elle était veuve et que Shelby ne rentrerait pas à la maison. Shelby avait été pris pour cible simplement parce qu'il faisait son travail. À cause de l'uniforme qu'il portait et qui représentait l'engagement de protéger les habitants de sa communauté contre ceux qui n'ont aucun égard pour les lois de ce pays et pour la vie humaine.

Peu de gens sont conscients des dangers auxquels les policiers sont confrontés quotidiennement. De nos jours, le métier de policier est extraordinairement difficile et exigeant. Le gendarme Patton s'était engagé pour rendre le monde plus sûr, pour protéger les personnes vulnérables et pour essayer d'avoir un effet positif sur la vie des gens. Quand les gens disent que les policiers s'engagent à faire ce travail en sachant qu'ils risquent d'y laisser leur vie, ils n'ont pas de cœur. Normaliser la mort d'un policier en la considérant comme « inhérente à son travail », c'est commencer à perdre notre humanité. Nous continuons à constater une augmentation de la violence à l'égard de nos membres, de la part de personnes qui veulent enfreindre la loi et qui n'ont aucun égard pour la vie humaine au moment où elles s'efforcent d'assouvir leurs ambitions malfaisantes. Le gendarme Patton a répondu à l'appel concernant un véhicule volé ce matin-là; il a revêtu son uniforme et est allé protéger le public et faire respecter la loi. Il n'aurait pas dû le payer de sa vie. Mais il l'a payé de sa vie, et de nombreuses vies ont été dévastées et ébranlées à jamais. Sa famille, bien sûr, a été anéantie de l'avoir perdu. Ses collègues l'ont été aussi, les personnes qui exerçaient leurs fonctions dans le même détachement que lui et qui, quelques heures auparavant, travaillaient à ses côtés pour assurer la sécurité des communautés dont ils étaient responsables.

Le jour où le corps du gendarme Patton a été transporté de Regina à Wolseley, j'ai marché le long de la route à Indian Head, où des gens de la région étaient venus rendre un dernier hommage à Shelby. J'ai parcouru les presque deux kilomètres de voitures garées et j'ai parlé aux personnes présentes. Nombre d'entre elles m'ont raconté des anecdotes personnelles et m'ont parlé de leurs rencontres avec le gendarme Patton : des enseignants de l'école qui m'ont raconté à quel point Shelby était déterminé à avoir un effet positif sur les jeunes; une personne qui m'a dit que la seule chose que le gendarme Patton ne pouvait pas faire, c'était être un « mauvais flic », parce qu'il était trop gentil pour cela; des infirmières de l'hôpital qui ont parlé du respect absolu avec lequel Shelby traitait toutes les personnes à qui il avait affaire, quelles que soient les circonstances de la rencontre, qu'il s'agisse d'un autre professionnel, d'une personne qu'il avait arrêtée ou de la victime d'un crime. Si seulement le même respect avait été accordé à la vie du gendarme Patton ce samedi-là, il n'aurait pas payé de sa vie le simple fait d'avoir revêtu son uniforme et d'avoir voulu protéger sa communauté. Nous ne saurons jamais ce que le gendarme Patton aurait pu accomplir de formidable s'il avait eu la possibilité d'avoir une carrière complète à la GRC. J'imagine que ce qu'il aurait fait aurait eu un effet positif sur la vie des gens. Mais il a été privé de cette possibilité par un acte absurde qui lui a coûté la vie. La mort de Shelby a été une perte immense pour la GRC, et nous ressentirons à jamais un vide sans sa présence au sein de notre famille de la GRC.

Note : La commissaire adjointe Blackmore a fait cette déclaration de victime de vive voix à la cour. Il est donc possible que la déclaration prononcée diffère légèrement des notes qu'elle a préparées.

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