Mise à jour sur l'opération H-Strong par Surint. Darren Campbell (4 juin 2020)

4 juin 2020
Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

Discours

Priorité au discours prononcé

Avant de commencer et de donner des renseignements à propos de l'enquête sur les incidents des 18 et 19 avril, j'aimerais souligner une fois de plus la douleur et le traumatisme vécus par les victimes et leur famille. Je suis pleinement conscient que la diffusion d'information sur une enquête peut causer de la détresse chez les membres de la famille et les proches des personnes décédées ou blessées. Par l'entremise des agents de liaison désignés de la GRC, les familles ont été informées à l'avance du moment où l'information serait communiquée au public et de la teneur des renseignements. Nous maintenons notre engagement à leur fournir des mises à jour factuelles et pertinentes à mesure que l'enquête avance.

Baptisée « Opération H-Strong », l'enquête est dirigée par le Groupe des crimes majeurs de la GRC en Nouvelle-Écosse. Des centaines d'employés de la GRC y participent, de même que des ressources spécialisées de la GRC à l'échelle du pays.

Jusqu'à présent, les enquêteurs ont interrogé plus de 650 personnes de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et des États-Unis. Des spécialistes du Bureau du médecin légiste de la Nouvelle-Écosse ainsi que des scientifiques des laboratoires judiciaires et des spécialistes de l'identité judiciaire hautement qualifiés de la GRC procèdent à l'analyse de plusieurs pièces à conviction. Je tiens à souligner le travail complexe et ardu qu'ils accomplissent tous avec grand professionnalisme depuis le début de l'enquête.

Les objectifs de l'enquête restent les mêmes, c'est-à-dire déterminer les gestes et les déplacements du tireur les 18 et 19 avril et avant ces dates, mais également savoir si des gens étaient au courant des plans de l'homme ou l'auraient aidé d'une façon ou d'une autre.

Même si le tireur ne peut pas être traduit en justice, l'enquête doit être menée avec la même rigueur que si nous étions en mesure de le faire. Toutes les demandes de renseignements, mesures et normes liées à l'enquête ont pour but de nous aider à recueillir assez d'éléments de preuve pour déterminer le rôle que toute personne aurait pu jouer dans ces crimes horribles. Chaque élément d'information que nous recevons est analysé, vérifié et corroboré pour en évaluer le poids, la validité et la valeur. Rien ne doit être laissé au hasard. Il faut du temps pour bien faire les choses. C'est ce qu'on attend de nous, et nous avons l'intention d'être à la hauteur.

C'est grâce au travail des enquêteurs de la GRC et de nos partenaires que je suis en mesure de faire le point sur l'enquête et de clarifier ou de corriger certaines informations qui circulent et viennent de plusieurs sources.

Je ne répéterai pas certains éléments qui ont été communiqués lors de points de presse précédents. Vous êtes sans doute au courant des gestes sordides commis par le tireur à partir du 18 avril, à Portapique, et par la suite. J'aimerais d'abord parler de ce qui est ressorti de l'analyse de la première intervention de la GRC le soir du 18 avril.

Première intervention

Il s'est écoulé quelques minutes entre l'arrivée des tout premiers intervenants de la GRC. Comme il a été dit, la zone de recherche était vaste et constituée de terrains de plusieurs acres, boisés pour la plupart, ainsi que de plusieurs résidences et annexes, dont certaines étaient déjà en feu. En dehors des lieux incendiés, il faisait très noir dans la zone de recherche.

Lorsqu'on a commencé à traiter l'incident comme étant un tireur actif, les tous premiers intervenants de la GRC ont rapidement formé une équipe de déploiement rapide pour action immédiate, aussi appelée équipe DRAI. Cette équipe a immédiatement commencé à fouiller la communauté à la recherche de la menace. Comme ils ont appris à le faire pendant leur formation, les membres de l'équipe avaient pour objectif de trouver et d'arrêter la menace. C'est exactement ce que les premiers intervenants de la GRC essayaient d'accomplir.

Dans les minutes qui ont suivi le premier appel, le gestionnaire des risques de la GRC en service à la station de transmissions opérationnelles de la GRC en a informé le gestionnaire en disponibilité du district du Nord-Est de la Nouvelle-Écosse, qui a alors sans tarder demandé la mise sur pied d'une équipe complète des interventions critiques. Cette équipe comprenait le chef des interventions critiques, l'Équipe de négociation en situation de crise, des préposés au registre des communications en cas d'incident critique, des techniciens radios, le Groupe tactique d'intervention (GTI), le Groupe des interventions médicales d'urgence (GIMU), l'équipe de soutien des technologies de l'information et l'opérateur radio du Groupe tactique d'intervention, un véhicule tactique blindé et son conducteur, les Services cynophiles et le Groupe de l'enlèvement des explosifs. Outre les premiers intervenants qui étaient déjà sur les lieux et qui continuaient à arriver, 30 employés très spécialisés ont été ajoutés à l'équipe des interventions critiques.

Des questions ont été soulevées en ce qui concerne le temps considérable que les survivants ont passé à garder la ligne avec les opérateurs du 911 pendant la première intervention. Il est vrai que des survivants ont gardé la ligne avec les opérateurs du 911. Pendant qu'ils étaient au téléphone et en communication avec les répartiteurs de la GRC, ils ont eu comme instructions de trouver un abri et de s'y cacher pendant que les membres de l'équipe DRAI continuaient les recherches pour trouver la menace. Les membres de l'équipe DRAI ont établi un périmètre autour de la résidence des survivants pendant que d'autres premiers intervenants établissaient un périmètre autour de la communauté de Portapique.

Lorsque les membres du Groupe tactique d'intervention sont arrivés, on croyait que le tireur se trouvait encore dans le secteur et que s'il était vivant, qu'il attendait, c'est-à-dire qu'il se cachait, prêt à tirer ou à tuer quelqu'un. C'est ce qui explique la décision de donner comme consigne aux résidents de se mettre à l'abri plutôt que d'évacuer. Le Groupe tactique d'intervention a continué à mener de vastes fouilles tactiques afin de trouver le tireur tout en vérifiant les nombreux signalements de la présence possible du tireur dans la zone et en procédant au sauvetage et à l'évacuation éventuelle d'un certain nombre de survivants et témoins au moyen du véhicule tactique blindé, entre autres.

Je viens de résumer en quelques phrases certains aspects de l'intervention, mais il est important de comprendre que celle-ci s'est déroulée sur plusieurs heures.

Comme il a été dit, le tireur s'est enfui de la zone peu après l'arrivée des premiers policiers. Il s'est dirigé vers Debert où il s'est caché pendant plusieurs heures avant de recommencer à se déplacer aux petites heures du matin.

Communications et demande d'aide d'autres services de police

Des médias ont soulevé des questions concernant le niveau de communication entre la GRC et les autres services de police de la Nouvelle-Écosse et le fait que la GRC n'ait apparemment pas adressé de demandes d'aide aux autres services de police de la Nouvelle-Écosse les 18 et 19 avril. Des informations détaillées prouvent le contraire. Je peux confirmer que la GRC a communiqué avec les autres services de police de la Nouvelle-Écosse plusieurs fois tout au long de l'incident et que de l'information a été communiquée à tous les services de police de la province dès qu'elle était disponible. Les mises à jour et informations étaient communiquées par le gestionnaire des risques en poste à la station de transmissions opérationnelles de la GRC, le chef des interventions critiques, les cadres de la GRC ainsi que par les membres qui prenaient part à l'intervention. Les autres services de police de la Nouvelle-Écosse ont également communiqué directement avec la GRC afin d'obtenir de l'information et cette information leur a été fournie.

En ce qui concerne les demandes d'assistance, les autres services de police de la Nouvelle-Écosse ont été appelés à aider la GRC de diverses façons. Ils ont notamment accepté de répondre aux appels de service pour les secteurs qui relevaient de la compétence de la GRC pendant que les membres de la GRC s'occupaient de l'intervention. Ainsi, ils ont soutenu les enquêtes en procédant pendant l'incident à la rencontre prioritaire des témoins, évacué les victimes potentielles des résidences connues du tireur et établi un périmètre de sécurité autour de l'hôpital où étaient traitées certaines des victimes.

Interception d'automobilistes par le tireur

J'aborderai maintenant certaines questions liées aux déplacements du tireur le 19 avril. Je suis en mesure de confirmer que, d'après l'enquête et les déclarations des témoins, le tireur n'a pas utilisé sa réplique d'auto-patrouille de la GRC pour faire arrêter en bordure de la route les victimes qui se trouvaient dans leur véhicule.

Interaction entre la gendarme Stevenson et le tireur

Bien des hypothèses ont été lancées sur la place publique en ce qui concerne l'interaction entre la gendarme Heidi Stevenson et le tireur. Comme je l'ai mentionné, il faut du temps pour mener une enquête complète et rigoureuse, et ce travail inclut à juste titre la consultation de plusieurs ressources spécialisées afin de reconstituer les événements à partir des faits.

Nous n'avons pas encore terminé ce volet de l'enquête, mais je peux donner quelques détails qui ressortent de l'examen des preuves. Bien qu'il y ait eu collision entre le véhicule de la gendarme Stevenson et celui du tireur, nous ne croyons pas que la gendarme Stevenson ait foncé sur le véhicule du tireur. Nous pouvons aussi vous dire que le véhicule du tireur a été plus endommagé que celui de la gendarme Stevenson, qu'elle a courageusement affronté le tireur et qu'ils ont échangé des coups de feu. J'ajoute en terminant que la gendarme Stevenson et le gendarme Morrison, qui avait été blessé par balles plus tôt dans la matinée, portaient tous deux un gilet pare-balles souple et un gilet pare-balles rigide.

Acquisition d'uniformes de la GRC/de la police

Notre enquête a révélé un lien de parenté entre le tireur et deux membres à la retraite de la GRC. Ces membres n'étaient plus en contact avec lui et ont tous deux offert leur pleine collaboration aux enquêteurs. Il ne semble pas que l'un d'eux ait donné au tireur des articles de l'uniforme réglementaire comme ceux qui ont été trouvés en sa possession et sur les lieux d'un des meurtres. L'enquête a également permis de déterminer que le tireur avait été associé à un agent d'un autre corps policier de la Nouvelle-Écosse. L'agent en question a lui aussi collaboré avec les enquêteurs, et nous ne croyons pas qu'il ait fourni d'articles d'uniforme au tireur. Les démarches d'enquête se poursuivent pour déterminer comment le tireur a obtenu les articles de l'uniforme de la GRC.

Relation entre le tireur et la GRC

Il convient par ailleurs de souligner que le tireur n'a jamais été associé à la GRC à titre de bénévole ou de policier auxiliaire, et que la GRC n'a jamais entretenu avec lui une relation particulière de quelque nature que ce soit.

Acquisition de véhicules de police et de matériel de secours

Pour ce qui est des anciens véhicules de police dont le tireur a fait l'acquisition et avait en sa possession, l'enquête a confirmé qu'il s'agissait de quatre Ford Taurus ayant servi d'auto-patrouilles que l'intéressé a achetées dans un encan local. Quant au matériel d'intervention d'urgence installé sur les véhicules, le tireur en a fait l'achat en ligne sur divers sites de vente aux enchères. L'installation d'une partie du matériel a été effectuée par le tireur et certains de ses associés, parmi lesquels des voisins et d'autres résidents de Portapique. Comme il a déjà été expliqué en détail, les insignes que portaient les faux véhicules de la GRC n'étaient pas de véritables décalques de la GRC, mais un habile travail d'imitation réalisé par un imprimeur ou fabricant local. La direction de cet établissement d'impression ou de fabrication, à l'insu de qui ce travail a été effectué, continue de coopérer dans le cadre de l'enquête.

Acquisition d'armes

Pour ce qui est des armes à feu que le tireur avait en sa possession, l'enquête est toujours en cours et met à contribution divers organismes canadiens et étrangers d'application de la loi. Très peu d'information peut être livrée pour l'instant.

Nous pouvons cependant certifier que le tireur a acquis toutes ses armes illégalement. Des cinq armes à feu qu'il avait en sa possession le 19 avril, trois provenaient des États-Unis, tandis qu'une autre, obtenue au Canada, provenait de la succession d'un associé décédé. Il s'agit des quatre armes dont nous avons indiqué qu'elles se trouvaient en la possession du tireur le 18 avril. Quant à la cinquième arme, il s'agit de celle de la gendarme Stevenson.

Contacts antérieurs avec le tireur et plaintes

Nous poursuivons nos investigations sur le comportement du tireur et les personnes avec qui il a été en contact avant les événements, notamment la police. Certaines personnes interrogées ont dit avoir aperçu le tireur en possession d'armes, de pièces d'uniforme de policier et d'un véhicule faussement identifié aux couleurs de la GRC. Aucun de ces témoins n'a indiqué avoir signalé à la GRC ce qu'il avait vu. D'autres témoins se sont manifestés depuis pour faire savoir qu'ils avaient avisé la GRC de l'existence d'allégations de violence conjugale et de plaintes liées aux armes à feu pesant contre le tireur. L'enquête, à cet égard, est toujours en cours.

Dans un bulletin sur la sécurité des policiers rédigé en 2011 par le service de police de Truro et le Service de renseignements criminels de la Nouvelle-Écosse dont le contenu a récemment été rendu public, on apprend que le tireur était un denturologiste vivant et travaillant à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), qu'il avait un cottage dans les environs de Portapique, traversait une crise de santé mentale, était en possession d'un fusil et de carabines, n'aimait pas la police et voulait tuer un policier. En ce qui concerne ces armes, je peux affirmer qu'il ne s'agit pas de celles qui se trouvaient en la possession du tireur, lesquelles ont toutes, sauf une, été acquises après 2011, c'est-à-dire après la parution du bulletin.

Ce bulletin n'était pas accessible aux chefs des interventions critiques ni aux policiers mobilisés au moment où se déroulaient les événements, les 18 et 19 avril. Tiré des archives d'un autre service de police néo-écossais, il a été présenté quelques jours après le drame. La plupart du temps, les bulletins sur la sécurité des policiers sont éliminés des bases de données consultables au bout de deux ans.

Motivations du tireur

Depuis le début de l'enquête qui est en cours, les profileurs de la GRC et des psychologues judiciaires du Groupe de l'analyse du comportement de la Direction générale de la GRC participent de manière substantielle aux efforts réalisés pour tenter de comprendre ce qui a amené le tireur à commettre ces horribles crimes et pour déterminer si l'on peut dégager des événements des facteurs prédictifs qui permettraient de prévenir semblable catastrophe à l'avenir. Le travail de ces experts comporte notamment la réalisation d'une autopsie psychique. Celle-ci, qui n'est pas encore terminée, vise à jeter quelque lumière sur les facteurs contributifs du comportement du tireur et à permettre, peut-être, de mieux comprendre pourquoi il est devenu violent, pourquoi il a agi à ce moment précis et de cette manière-là.

Les analystes du comportement ont communiqué leurs résultats préliminaires à l'équipe d'enquête. Dans leurs conclusions, le tireur est décrit comme un « collectionneur d'injustices », quelqu'un qui se cramponne aux conflits ou oppositions qu'il rencontre au quotidien, qui s'en alimente intérieurement jusqu'à ce qu'il explose de rage. Certaines des victimes de la violente fureur du tireur ont été ciblées parce qu'elles étaient, dans son esprit, associées à une injustice subie dans le passé, d'autres ont été des exutoires à sa rage, d'autres enfin ont été des victimes aléatoires.

Il se peut qu'on ne découvre jamais le fin mot de l'affaire ou n'arrive jamais à comprendre parfaitement pourquoi le tireur a fait ce qu'il a fait. L'enquête a pour but d'apporter des réponses aux survivants, aux familles des victimes ainsi qu'au grand public et de traduire en justice quiconque a joué un rôle dans ces horribles événements. Tel est notre mandat actuel, et nous l'honorons.

Merci.

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