Vol. 79, Nº 2À l'avant-scène

Mains échangeant de l'argent contre des pilules blanches.

Récentes études policières

Connaître le lien entre la consommation de méthamphétamine et les infractions acquisitives comme le vol pourrait aider la police et les décideurs publics à prévenir la criminalité.

Par

Les extraits suivants d'études récentes en matière de justice et d'application de la loi reflètent les points de vue et opinions des auteurs, mais pas nécessairement celles des organismes pour lesquels ils travaillent.

Mise en œuvre du modèle carrefour par la Nation crie de Samson

par Chad Nilson

En 2012, la Nation crie de Samson (Alberta) a, en partenariat avec le Détachement de la GRC de Maskwacis, mis en service le modèle carrefour d'intervention conjointe axée sur les risques afin d'enrayer la criminalité, la violence, les incendies volontaires et les problèmes de dépendance et d'absentéisme que connaît la communauté. D'après ce modèle, des fournisseurs de services de divers secteurs se réunissent une fois par semaine ou plus pour échanger certaines informations sur ceux de leurs clients dont la situation présente un niveau de risque très élevé.

Plusieurs collectivités du Canada ont adopté le modèle carrefour en vue d'accroître leur sécurité et leur bien-être, mais à ce jour, la Nation crie de Samson est la seule communauté autochtone à avoir intégralement mis en œuvre le modèle durant une longue période.

L'étude ici résumée avait pour objectif de déterminer pourquoi la communauté de Samson avait adopté le modèle, si sa version de celui-ci cadrait avec les pratiques instruites par l'expérience, dans quelle mesure elle se conformait aux modes établis d'application du modèle, quelles leçons elle en avait tirées, et quels étaient les difficultés et les bienfaits qu'elle avait observés.

La collecte des données s'est surtout faite par l'entrevue de divers fournisseurs de services sociaux et de santé, de policiers, de chefs de bande et d'intervenants communautaires. Au total, 18 personnes ont été interrogées. À ces informations se sont ajoutées les observations que les auteurs de l'étude ont pu faire lors de leur visite à la réserve en juin 2015.

Les entrevues menées ont révélé que le modèle bénéficiait d'un large appui et était vu comme une voie prometteuse en remplacement du statu quo actuel dans les communautés autochtones.

Pour les personnes visées lors des rencontres carrefour, la conduite d'interventions conjointes axées sur les risques a permis la détection précoce de risques, une mise en contact plus rapide avec les services requis, l'apport d'une aide dans les cas complexes, une plus stricte reddition de comptes, la prévention de crises et l'offre d'un soutien multi-organismes.

Les rencontres carrefour ont permis aux organismes concernés de resserrer leur collaboration, de mieux connaître leur façon de voir respective, d'élargir leur palette d'outils d'intervention, de livrer des services avec plus d'efficacité, d'obtenir plus d'information, de pouvoir mener des actions préventives, de nouer de meilleures relations avec leurs clients et, pour certains d'entre eux, de voir baisser le nombre de demandes de service répétées.

Enfin, les rencontres carrefour ont permis à la police de confier des dossiers complexes à des services mieux adaptés, de voir baisser les demandes de service, d'améliorer ses relations avec la communauté, d'accroître la coopération interorganismes, de pouvoir mener des actions préventives et de mieux comprendre la situation des clients et leurs besoins.

Il ressort en outre de l'étude que le modèle carrefour s'harmonise fort bien avec la culture et les traditions autochtones en ce qui touche la résolution des problèmes sociaux complexes. Bien qu'aucune mesure chiffrée ne permette encore d'évaluer le succès du carrefour chez les Cris de Samson, les résultats de l'étude sont encourageants.

Pour des enquêtes et des poursuites plus efficaces dans les affaires de traite des personnes

par le National Institute of Justice des États-Unis

Dans l'intention d'améliorer la capacité des autorités à repérer les victimes de traite et à traduire en justice les criminels concernés, les auteurs de cette étude ont tâché de cerner, à l'échelle régionale et locale, ce qui faisait obstacle à la détection des cas de traite ainsi qu'aux enquêtes et aux poursuites s'y rapportant.

Les chercheurs ont recouru à diverses méthodes, notamment l'analyse des données chiffrées provenant de 140 affaires classées de traite de personnes, l'analyse d'entrevues de fond avec 166 policiers, procureurs et fournisseurs de services d'aide aux victimes, et l'analyse descriptive de renseignements liés à des incidents qui, quoiqu'ils n'aient pas été considérés comme des cas de trafic de personnes, étaient susceptibles de comporter des éléments pertinents à cet égard.

L'étude porte sur douze comtés représentant trois niveaux de législation d'État en matière de traite des personnes (nulle, restreinte, étendue) et sur des États dotés ou non d'équipes spéciales financées par le gouvernement fédéral pour lutter contre la traite des personnes.

Les chercheurs ont classé les obstacles relevés selon trois champs d'action : repérage des victimes, enquêtes et poursuites judiciaires.

Obstacles au repérage des victimes :

  • nature secrète de la traite des personnes;
  • incapacité ou refus des victimes à chercher de l'aide, et leur crainte des autorités;
  • inaptitude des organismes de police et de première intervention à former tous leurs membres et agents de première ligne à reconnaître les victimes.

Obstacles aux enquêtes :

  • la traite des personnes n'est pas une priorité pour tous les organismes d'application de la loi;
  • bon nombre d'organismes n'ont pas l'effectif nécessaire à la formation et aux enquêtes – le manque de patrouilleurs et de premiers intervenants est particulièrement criant;
  • les organismes manquent d'agents suffisamment qualifiés pour mener des entrevues ou d'agents maîtrisant des langues étrangères utiles au repérage des victimes;
  • trop souvent, les policiers, mal préparés à l'énormité du traumatisme vécu par les victimes, usent de tactiques habituellement employées à l'endroit de suspects, par exemple procéder à l'arrestation de la victime en vue d'obtenir sa coopération.

Obstacles aux poursuites judiciaires :

  • les procureurs d'État, réticents à appliquer la nouvelle législation anti-trafic, imputent aux malfaiteurs des infractions qui leur sont plus familières, par exemple celles de viol, d'enlèvement et de proxénétisme;
  • aucun des procureurs d'État interrogés n'a déjà conduit de poursuite pour traite de personnes aux fins de travail forcé; leur choix du mode de poursuite étant souvent influencé par le profil des victimes, la plupart des cas signalés par la police locale sont renvoyés devant les tribunaux fédéraux.

Les chercheurs formulent plusieurs recommandations afin d'améliorer la détection des cas de traite de personnes : que les collectivités et organismes d'application de la loi fassent de cette détection une priorité, que soient fournies des ressources institutionnelles spécialisées en traite des personnes, et que soient utilisées des stratégies d'enquête proactives.

L'étude contient aussi plusieurs recommandations en matière d'enquête : fournir des services d'aide aux victimes adéquats et étendus (p. ex. refuges convenables, plans à long terme pour l'intégration sociale des victimes rescapées), améliorer la formation du personnel policier, en particulier en ce qui a trait aux techniques d'entrevue, et établir des relations ouvertes entre la police et les procureurs.

Consommation de méthamphétamine et infractions acquisitives

par Susan Goldsmid et Matthew Willis

La consommation de méthamphétamine est en hausse chez les détenus de la police australienne, mais l'effet de cette hausse sur les formes de criminalité les plus répandues, en particulier la criminalité acquisitive, reste encore à éclaircir. Cerner les tendances et motivations criminelles des amateurs de méthamphétamine pourrait aider les organismes d'application de la loi et les décideurs publics à mobiliser leurs ressources de manière plus ciblée.

L'étude porte sur les infractions acquisitives commises par des détenus de la police australienne recrutés en 2013 par le programme Drug Use Monitoring in Australia (DUMA), ainsi que sur ce qui, selon ceux-ci, les poussent à poser des actes criminels liés à leur méthamphétaminomanie.

Méthode

Chaque trimestre, dans le cadre du programme DUMA, des personnes sous la garde de la police dans des villes australiennes dûment choisies sont interrogées sur leur consommation de drogue et leur perpétration d'actes criminels. En 2013, des données ont été recueillies à Perth, Adelaide, Brisbane et Sydney (sites de Kings Cross et de Bankstown).

Des 1 146 détenus qui ont été interrogés au cours des deux derniers trimestres de 2013, 35,8 p. 100 ont déclaré avoir consommé de la méthamphétamine dans les 30 jours précédant leur mise en détention. Cet échantillon est assez volumineux pour permettre une comparaison valide entre ceux qui ont consommé cette drogue et ceux qui n'en ont pas consommé.

Les détenus devaient indiquer leur sexe, leur âge et leur origine ethnique. Pour chacun d'eux a été notée l'infraction pour laquelle il se trouvait sous la garde de la police au moment de l'entrevue. On leur a demandé quel était le nombre de jours, sur les 30 précédant leur mise en détention, où ils avaient consommé de la méthamphétamine (ou du speed ou de la meth en cristaux), de l'alcool, du cannabis, de l'héroïne ou de l'ectasy, et quelle part de leurs revenus, au cours de cette même période, provenait d'activités criminelles.

Résultats

L'étude fournit une preuve supplémentaire du lien entre consommation de méthamphétamine et criminalité, surtout celle liée aux biens et aux stupéfiants. Les consommateurs de méthamphétamine et ceux d'héroïne étaient, toute proportion gardée, environ quatre fois plus nombreux à déclarer avoir tiré des revenus d'infractions acquisitives que les détenus n'ayant pas touché aux drogues. Les consommateurs de cannabis, eux, l'étaient près de deux fois plus. Cela pourrait indiquer qu'un détenu de la police qui a consommé des stupéfiants a presque deux fois plus de chances d'avoir commis des infractions acquisitives. Cette tendance peut être imputée à la consommation de drogue elle-même ou aux facteurs démographiques et socioéconomiques avec lesquels sont corrélés la délinquance et la consommation de stupéfiants.

La part du revenu des consommateurs de méthamphétamine qui provenait d'activités criminelles était, elle aussi, beaucoup plus élevée que pour ceux qui ne se droguent pas. En outre, ces consommateurs ont déclaré que la méthamphétamine jouait un rôle dans leur délinquance, soit parce qu'ils agissaient ainsi sous l'effet de cette drogue, soit parce qu'ils avaient besoin d'argent pour s'en procurer.

Conclusion

Connaître le rôle de la consommation de méthamphétamine dans la perpétration d'infractions pourrait aider la police et les décideurs publics à affecter des ressources et à mettre en œuvre des stratégies propres à prévenir tout risque d'augmentation de la criminalité qui pourrait être associé à une augmentation de la consommation de méthamphétamine chez les contrevenants.

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