Vol. 79, Nº 4Débat de spécialistes

Policier aux côtés de trois jeunes près d'une fourgonnette colorée en arrière-plan.

La police en milieu rural et urbain : quelle est la meilleure démarche de sensibilisation?

Le gend. Chuck Marjara du Groupe de la diversité et de la mobilisation communautaire de la GRC à Surrey (C.-B.) rencontre des jeunes réfugiés et de nouveaux arrivants pour s'entretenir avec eux sur les enjeux de sécurité personnelle et la façon de contact Crédit : GRC de C.-B.

Que le secteur de patrouille se trouve dans un secteur rural isolé ou dans un centre ville à forte densité de population, l'établissement de liens avec les membres de la collectivité est essentiel. Mais quelle démarche privilégier lorsque les habitants sont dispersés sur des kilomètres carrés ou bien concentrés dans un secteur peu étendu, mais avec des besoins di-vers? Nous avons demandé à nos experts quels outils et méthodes leur sont le plus utiles pour nouer des relations avec la population.

Les spécialistes :

  • Gend. Chuck Marjara, Diversité et Mobilisation communautaire, GRC, Surrey (C.-B.)
  • Comm. adj. Curtis Zablocki, commandant de la Division F, GRC, Regina ( Sask.)
  • Sherry Bray, Direction des affaires publiques, Police du Kentucky
  • S.é.-m. Jeffrey Duggan, Police provinciale de l'Ontario, Détachement de Kenora

Gend. Chuck Marjara

Essentiellement, au delà des disparités entre milieux rural et urbain, le travail policier repose sur l'établissement de liens de confiance avec le public. Dans les secteurs isolés, le travail concerne la collectivité entière. À Surrey, où plus de 50 p. 100 de la population est issue d'une minorité visible, nous jugeons préférable d'aborder les citoyens individuellement, pour nous familiariser avec leur culture et participer aux activités qui y sont reliées.

Par exemple, citons nos initiatives actuelles pour nous rapprocher de la communauté musulmane. Il s'agissait d'abord de déterminer les responsables de la communauté, puis de les rencontrer pour discuter d'enjeux de sécurité et des possibilités de collaborer en vue de favoriser la protection de tous. La rencontre s'est soldée par deux recommandations : sensibiliser les agents à la communauté et établir des liens avec ses membres en participant à des activités et à des séances de sensibilisation.

Sensibilisation à l'interne : Outre la présentation d'ateliers sur la diversité au personnel, le Groupe de la diversité a entrepris de produire une vidéo où des membres de la communauté musulmane parlent de divers sujets, p. ex. les usages au moment d'entrer dans une mosquée, le but du hijab et la façon d'interagir avec la communauté en général. Le Groupe a aussi organisé un succulent repas iftar durant le ramadan qui a réuni plus de 100 membres de la communauté et des policiers pour permettre à tous de se familiariser les uns avec les autres.

Mobilisation préventive : Après la fusillade survenue dans une mosquée canadienne plus tôt cette année, le Groupe de la diversité de la GRC à Surrey a pris l'initiative de visiter des centres islamiques locaux. Les responsables de la mosquée se sont réjouis que les policiers prennent le temps de les soutenir et d'entendre leurs préoccupations. Les agents se présentent aussi à la mosquée le vendredi, jour d'affluence, pour sensibiliser la communauté à l'importance de signaler le crime et la façon de faire. Ils assistent aussi aux rencontres sportives avec les jeunes pour aborder des sujets comme les gangs, la drogue et l'intimidation.

Un moyen de mesurer l'efficacité des démarches consiste à observer le nombre d'appels spontanés reçus pour nous signaler des préoccupations ou nous inviter à une célébration. Lorsque les agents en uniforme sont accueillis dans les célébrations traditionnelles et que les relations avec les membres de la communauté sont chaleureuses, nous savons que les choses progressent. C'est l'élément de confiance crucial qui fait que les gens sont plus enclins à appeler la police, tant dans une situation d'urgence qu'au quotidien.

Comm. adj. Curtis Zablocki

Si on s'entend pour dire que l'efficacité de la police repose sur la mobilisation communautaire, l'établissement de relations revêt diverses formes et prend un aspect particulier en milieu rural.

Protéger un vaste secteur rural à faible densité de population comme la Saskatchewan nécessite une mobilisation particulière de la population. Comme les agents en patrouille ne peuvent être partout à la fois, nous devons nous en remettre aux citoyens pour être les yeux et les oreilles de la police.

Des initiatives comme le Programme de surveillance de la criminalité en milieu rural et Patrouille de citoyens s'inscrivent naturellement dans l'esprit communautaire qui a toujours prévalu dans ce milieu : chacun garde un œil sur son voisin. Ces programmes sont une source précieuse d'information pour la police, tout en étant axés sur la sécurité des volontaires.

Si la visibilité constitue un défi inhérent à la police rurale, c'est aussi un outil important de mobilisation. Se rendre périodiquement au café ou à la patinoire du coin lors d'une joute de hockey est un geste simple qui peut rapporter des dividendes. Remplir des documents administratifs sur notre poste mobile dans l'autopatrouille près d'intersections achalandées, dans une zone scolaire ou dans un secteur à problème de la localité est un autre moyen efficace de rappeler aux gens notre présence.

Peu importe le milieu – rural ou urbain – , les chefs de détachement et le personnel concentrent leur attention sur l'établissement de liens afin de s'attaquer aux causes profondes du crime comme les troubles de santé mentale, la toxicomanie et la pauvreté. La création de partenariats mène à des initiatives efficaces.

Nous encourageons la localité à créer un comité de sécurité communautaire – un groupe de partenaires mobilisés pour raffiner les projets en cours ou en proposer de nouveaux et les intégrer à une stratégie adaptée à leurs besoins. Ensemble, ils adopteront une démarche polyvalente de sécurité communautaire en collaboration avec la police et d'autres organismes.

Pour établir et maintenir un milieu sûr, la collectivité doit avoir des liens de confiance avec la police, tant dans les secteurs ruraux qu'urbains.

Sherry Bray

Depuis ses humbles débuts comme patrouille routière en 1948, la police de l'État du Kentucky a toujours privilégié la police communautaire. En tant que service de police rural sur lequel dépendent les citoyens, nous faisons de la mobilisation et de l'interaction la pierre angulaire de notre mission. Rien ne saurait remplacer les entretiens de vive voix, mais nous tirons néanmoins profit du réseautage dans les médias sociaux pour mobiliser les gens.

Nous utilisons différentes plateformes pour joindre un éventail élargi de personnes lorsque nous publions de l'information, des mises à jour, des photos et des vidéos.

Ainsi, dans Facebook, nombre de nos partisans ont plus de 40 ans. Nous allions actualités et histoires qui réchauffent le cœur dans nos articles. Dans Twitter, où nous touchons un public jeune, nos messages sont concis et agrémentés de termes et de mèmes très tendance, qui sont courants sur cette plateforme.

Instagram est l'un des sites sociaux où nous jouissons d'une popularité grandissante, que nous attribuons au message visuel que les adeptes y trouvent. Nous l'utilisons de façon stratégique pour montrer au public les facettes de notre service qu'ils ne voient pas souvent dans les bulletins de nouvelles ou en public. Ainsi, nous y afficherons la photo d'un agent au stand de limonade d'un enfant, visitant un enfant hospitalisé ou donnant du sang lors d'une collecte communautaire. Nous limitons le texte, car une image vaut mille mots.

Facebook semble être l'un de nos sites de médias sociaux les plus populaires; nous y recevons de nombreuses mentions

« J'aime », des partages et des messages privés. Nous permettons à nos adeptes d'exprimer leur opinion sur nos articles dans la mesure où il n'y a rien de péjoratif ou d'offensant. Souvent, lorsqu'une personne est en désaccord avec nous, nous avons la possibilité de prendre contact (par Facebook) afin de résoudre leur préoccupation. Parfois, nous devons nous résoudre à ne pas nous entendre, mais l'important est d'avoir entamé un dialogue qui n'aurait pas eu lieu sans les médias sociaux.

Notre intention dans l'utilisation des médias sociaux est de diffuser des renseignements importants aux citoyens. C'est un relais utile lorsque nous ne pouvons entamer une conversation en personne.

S.é.-m. Jeffrey Duggan

La Police provinciale de l'Ontario (OPP) constitue l'un des plus vastes services de police en Amérique du Nord, comptant plus de 6 200 agents et 160 détachements et bureaux satellites. Nombre d'agents sont affectés dans une petite ville ou collectivité.

L'affectation dans une petite ville, dans un village ou dans une communauté autochtone nécessite l'établissement d'un partenariat authentique avec les citoyens. L'agent de service pourrait être le seul dans le secteur, ses renforts se trouvant à des heures de route. Dans une petite localité, les liens que vous nouez sont essentiels et déterminants pour votre propre sécurité.

Mon premier poste a été dans une petite communauté autochtone. De service et au repos, j'ai consacré beaucoup de temps à des activités communautaires. Nouer des relations avec la population facilitait mon travail lors d'une intervention. Les membres de la communauté me reconnaissaient et n'étaient plus intimidés par l'uniforme, ce qui favorisait la résolution des problèmes.

Dans les petites localités, les demandes d'intervention parviennent souvent de façon non conventionnelle au policier, par exemple durant son temps de repos au café du coin ou lorsqu'on vient cogner à la porte de son domicile à toute heure du jour ou de la nuit. L'interlocuteur présentera une demande d'assistance qui trouvera un dénouement heureux autour d'un café dans votre cuisine. Parfois, le demandeur ne vient pas signaler un crime, mais simplement se confier; il repartira le cœur léger après votre entretien.

Dans les grands centres, les policiers se rendent au travail tous les jours sans que leurs voisins n'aient idée de leur profession. Lorsque vous travaillez dans une petite localité, tout le monde sait nécessairement quel métier vous pratiquez. La présence de votre autopatrouille dans votre entrée signale à tous votre emploi du temps, tout comme le fait de vous présenter en uniforme à l'école ou à la rencontre sportive de votre enfant.

Si vous prenez le temps de participer à la vie communautaire, vous en retirerez des avantages au moment de répondre à une demande d'intervention. En outre, il est réconfortant de savoir que sur le plan de la sécurité, la collectivité veille sur vous comme vous veillez sur elle.

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