Vol. 79, Nº 1Dernières tendances

Visages de quatre hommes.

Ils n’oublient jamais un visage

Première super-brigade de reconnaissance

Un test qu'utilise Josh Davis pour déterminer les membres ayant une superfaculté de reconnaissance consiste à leur demander de regarder un visage durant 10 secondes, puis de trouver le visage correspondant parmi huit visages similaires. Crédit : Fournie par Josh Davis

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Le serg.-dét. Eliot Porritt a les yeux rivés sur trois photos imprécises du même homme. Il y a des mois que le prédateur sexuel non identifié s'attaque à de jeunes usagères des transports publics londoniens.

Après chaque agression, la police a fait circuler des images floues de l'homme à moustache et lunettes captées par le réseau de télévision en circuit fermé (CCTV) qui quadrillent la capitale anglaise. En vain.

« C'est bien beau de pouvoir dire "J'ai déjà vu ce gars-là quelque part", remarque le dét. Porritt, de la police métropolitaine de Londres (la « Met »), mais on ne sait pas son nom ni où il a été vu – et c'est ce qu'il faut aux enquêteurs. »

Alors que la plupart des gens oublient de tels détails, le dét. Porritt a une excellente mémoire des visages.

« Chez moi, c'est instinctif, dit-il. Qu'on me montre une photo, peu importe la grosseur du grain ou des pixels, et je devrais être en mesure, si j'ai déjà rencontré l'individu ou si j'en ai souvent vu des photos, de vous dire qui il est et où je l'ai vu. »

Voici que la Met mise sur des po-liciers comme Eliot Porritt. Ce détective d'expérience fait partie de la nouvelle super-brigade de reconnaissance de la Met, à laquelle lui et cinq autres policiers ont été affectés pour leur faculté inhabituelle à reconnaître les visages – et à clore des affaires en suspens.

L'affaire du prédateur non résolue a ainsi abouti sur le bureau du dét. Porritt. Le visage moustachu du suspect gravé dans sa mémoire, le dét. Porritt a décidé, pour recueillir plus d'information, d'emprunter les mêmes itinéraires que ce dernier en compagnie de sa collègue Alison Young, aussi douée que lui.

« Nous étions partis à l'heure de pointe faire une enquête de suivi, lorsque, reconnaissant soudainement l'homme dans la foule, Alison s'est écriée : « c'est lui! », explique le serg. dét. Porritt. Personne ne l'avait vu dans la dernière année; l'ayant reconnu, nous l'avons poursuivi, puis menotté, deux jours seulement après avoir pris le dossier en main. »

Après l'arrestation du délinquant, en mai 2015, la super-brigade s'est retrouvée sous le feu des projecteurs devenant la première équipe d'enquête sur image en son genre.

Tests de mémoire

Bien avant la mise sur pied de la super-brigade, la Met cherchait des moyens d'accroître le taux d'identification des suspects. En 2012, elle a fait appel à Josh Davis, un psychologue spécialisé en recherche policière à l'université de Greenwich.

« J'avais remarqué que, dans l'ensemble, c'était toujours le même petit groupe de membres de la Met qui arrivait à identifier les suspects, relate M. Davis. Je voulais savoir pourquoi. »

M. Davis a évalué les aptitudes de reconnaissance des policiers à l'aide de tests spécialement conçus. L'un d'eux présentait, pour mesurer l'efficacité mémorielle au fil du temps, des photos de vedettes datant d'avant leur célébrité. M. Davis a constaté que les sujets les plus performants n'étaient pas seulement motivés : ils avaient un talent naturel pour se souvenir des visages.

M. Davis a ainsi établi que 150 des 40 000 membres de la Met possédaient une super-faculté de reconnaissance. Six des meilleurs, y compris Porritt et Young, ont formé en 2015 une brigade pilote temporaire. La capture du prédateur des lignes de bus a confirmé la valeur des recherches de M. Davis et suscité l'établissement d'une super-brigade de reconnaissance à temps plein.

« Il y a un lien direct entre les tests menés et le fait qu'un policier a reconnu un suspect dans un lieu public, commente M. Davis. »

Selon M. Davis, deux pour cent des gens sont des surdoués en reconnaissance. Le serg.- dét. Porritt voudrait mettre à contribution les surdoués étrangers au milieu policier. Il songe à lancer un programme de bénévolat offrant aux citoyens la possibilité d'exercer leurs aptitudes naturelles pour aider la police.

Super-brigade et super-résultats

Depuis 2015, la super-brigade connaît un franc succès : plus de 2 800 suspects identifiés à partir d'images CCTV.

« Ce nombre est très élevé si l'on tient compte du fait que nous sommes seulement six, affirme Porritt, maintenant chef de la brigade.

L'an dernier, une identification a permis de clore 43 affaires en cours. Le suspect, Austin Cabellero, a été identifié par l'œil de lynx d'un surdoué en reconnaissance après avoir été arrêté pour vol dans une boutique de luxe. Après investigation, la brigade a reconnu Cabellero sur des dizaines d'autres images de vols captées par le réseau de vidéosurveillance londonien.

« Seul l'usage de nos aptitudes particulières, conclut le dét. Porritt, peut donner les résultats auxquels on arrive, par exemple faire le lien entre 20 enquêtes laissées sans conclusion par 20 différents enquêteurs qui étaient sans le savoir à la recherche du même individu. »

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