Vol. 78, Nº 2Reportages externes

Une coiffeuse coupe les cheveux d'une femme.

Marques de violence

Outiller les coiffeurs et les barmans pour faire cesser la violence

La trousse à l'intention des coiffeurs et des barmans est une excellente ressource pour les professionnels du secteur des services qui veulent aider une personne qu'ils croient être victime de violence familiale.

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La violence familiale n'épargne aucune collectivité canadienne, aucune race, aucune couleur, aucune religion, aucun âge. Et elle n'est pas dénoncée à la police ni aux services sociaux dans une proportion estimée à 70 p. 100, ce qui en soi est un autre problème.

En effet, beaucoup de victimes — femmes, enfants et hommes — vivent avec ce secret dont elles ne voient pas comment se libérer. C'est pour leur ouvrir une porte que le service de police de Delta, l'université polytechnique Kwantlen (KPU) et le réseau Fin de la violence dans les relations (NEVR) ont lancé un projet commun.

Comme beaucoup d'autres services de police, celui de Delta accueille chaque année des stagiaires. La plupart poursuivent des études en justice pénale ou en lien avec la police, mais grâce à son partenariat avec NEVR et la KPU, la police de Delta accueille aussi des étudiants du programme infirmier. J'ai beau avoir pris ma retraite de la police de Delta en 2015, je demeure un mentor pour les étudiants-infirmiers de la KPU, parce que je crois profondément au travail qu'ils font en matière de violence familiale.

Ce projet auquel ont contribué plusieurs groupes de stagiaires propose une nouvelle façon d'aborder les victimes silencieuses de la violence familiale. Les étudiants-infirmiers, qui aspirent à travailler soit aux urgences, en psychiatrie ou en pédiatrie, ont eu à élaborer une trousse destinée aux salons de coiffure et aux restaurants et bars afin de sensibiliser coiffeurs et barmans aux marques de violence et aux stratégies d'intervention devant un cas de violence conjugale.

On a ciblé les coiffeurs et les barmans en raison de la fréquence de leurs interactions avec le public. Le coiffeur en vient à connaître ses clients, au point de s'en faire des amis dans certains cas. Il a un contact physique proche avec eux qui lui permet d'observer toute marque inhabituelle à la tête, au cou ou au visage. Quant au barman, on l'a choisi pour une autre raison : il côtoie des gens qui boivent parfois au point de se soûler et de montrer des comportements inquiétants. Cette formule de mobilisation a fait ses preuves aux États-Unis.

Balbir Gurm, professeur au programme infirmier de la KPU, a créé le réseau NEVR, il y est animateur et il est l'instigateur de la trousse.

« Les infirmiers sont en première ligne en matière de violence familiale, précise-t-il. Ils seront les premiers à traiter les victimes et ce projet les aide à comprendre l'ampleur du problème. Grâce à la trousse, les étudiants-infirmiers établissent un lien avec d'autres acteurs importants, comme les coiffeurs qui sont bien placés pour observer qu'il y a un problème. »

Point culminant du projet, un groupe de stagiaires a pu donner une formation au personnel d'un salon de coiffure de Delta. La formation y a été bien reçue.

« Un coiffeur peut ne pas être conscient de l'importance de son rôle pour reconnaître une victime possible et l'aider, mais en prenant connaissance de la trousse, il voit bien qu'il est en première ligne, qu'il peut aider de bien des façons, » explique M. Gurm.

Une autre trousse a précédé celle destinée aux coiffeurs et aux barmans. NEVR avait travaillé avec le bureau provincial en matière de violence familiale (PODV) pour créer la trousse pour les professionnels des soins de santé. La version finale de la trousse créée par NEVR, avec la participation de la KPU, de DIVERSEcity et du PODV, diffère un peu de celle qu'avaient créée les étudiants, mais c'est une excellente ressource pour les collectivités, les services de police et quiconque veut aider une personne qu'on croit être victime de violence à la maison. La violence familiale est toute forme de violence entre la victime et une personne connue d'elle, comme un membre de la famille, un partenaire, un employeur ou un employé.

La trousse à l'intention des héros communautaires est plus générale que le concept d'origine, mais le message est le même : dites quelque chose. #saysomething est d'ailleurs un projet financé par la Pro-vince de la Colombie-Britannique qui mise sur les médias sociaux pour faire connaître des moyens d'aider une victime de violence familiale.

La trousse décrit ce qu'est la violence familiale, les signes indicateurs et la manière d'intervenir. On croit souvent que la violence familiale est d'abord physique (gifler, étrangler, pousser, etc.), mais elle est beaucoup plus compliquée dans les faits. Au-delà des abus physiques, la victime peut subir de l'abus émotionnel, psychologique, financier, sexuel ou spirituel.

Qu'on soupçonne des abus ou qu'on en soit témoin, on ne sait pas nécessairement comment réagir. La trousse explique ce qu'il faut faire et aussi ce qu'il ne faut pas faire. La personne qui veut aider et qui s'y prend mal peut se mettre en danger et aggraver le risque pour la victime. La trousse explique comment discuter avec la victime et comment la soutenir au mieux.

Les trousses offrent une mine de renseignements sur la violence familiale, mais elles ne seront utiles qu'entre de bonnes mains. Les services sociaux et les corps de police doivent favoriser la diffusion de ce document.

Le fait de former les coiffeurs et les barmans illustre l'un des principes à la base de la police communautaire : amener la collectivité et la police à travailler ensemble pour régler un problème.

La trousse des héros communautaires permet à M. Tout-le-monde d'apprendre la façon sûre d'intervenir. Elle fera évoluer la culture pour que plus de personnes puissent reconnaître la violence, intervenir et dire que la violence familiale n'est pas acceptable dans la communauté. Toutes les trousses de NEVR sont gratuites et disponibles en anglais seulement.

Aider sans hésiter

Il semble souvent difficile de parler d'abus avec une personne. Pour vous convaincre de la nécessité de le faire, voyez ce tableau qui compare vos inquiétudes aux enjeux réels.

Inquiétude Enjeu réel
Vous avez l'impression que ça ne vous regarde pas. Ça pourrait être une question de vie ou de mort. La violence est l'affaire de tout le monde.
Vous ne savez pas quoi dire. Commencez par dire à la victime qu'elle vous tient à cœur et que vous êtes inquiète pour elle.
Vous craignez d'empirer les choses. Ne rien faire pourrait aggraver les choses.
Ça n'est pas assez grave pour en parler à la police. Les policiers sont formés pour intervenir et peuvent proposer des ressources.
Vous craignez que la violence soit redirigée contre vous et votre famille. Parlez à la victime seul à seul. Signalez à la police toute menace qui vous serait faite.
Vous croyez que la victime s'accroche à la relation parce qu'elle retourne toujours à l'agresseur. La victime peut ne pas avoir eu le soutien dont elle avait besoin.
Vous craignez que la victime vous en veuille. C'est possible, mais elle saura au moins que vous vous souciez d'elle.
Vous pensez que si la victime voulait de l'aide, elle en demanderait. La honte empêche souvent les victimes de demander de l'aide.
Vous pensez que la violence conjugale est une affaire d'ordre privé. Quand quelqu'un est blessé, ce n'est pas une affaire d'ordre privé.

— Adapté de « Help, Hope & Healing » publié par le gouvernement de la Colombie-Britannique, 2006.

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