Vol. 76, Nº 2Reportages externes

Les graffitis de gangs

Le graffiti de gang commence à prendre une allure artistique attribuable aux tagueurs du style hip-hop qui se joignent aux gangs de rue et font découvrir leur talent. Crédit : Serg.-det. Lee Jones

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Violence, drogues et jeunes défavorisés. Voilà les premières idées qui viennent à l'esprit des policiers lorsqu'ils pensent aux gangs. Mais, il y a un autre aspect, parfois négligé et souvent considéré de façon superficielle, qui définit les gangs : le graffiti.

Au Canada, les graffitis reflètent les tendances du monde moderne. Il s'agit, pour la plupart, de tags hip-hop, mais on en voit qui sont génériques, sociopolitiques et de gangs.

Voyons le graffiti de gang comme le journal de la rue. Le lire, c'est de la collecte de renseignements dans sa forme la plus pure et donne un aperçu ponctuel de la culture de gangs dans la collectivité concernée.

Le graffiti de gang sert à plusieurs fins importantes.

D'abord, il indique la présence d'un gang. Une stratégie que les nouveaux gangs utilisent particulièrement pour annoncer leur création. Les graffitis sont alors plus fréquents et plus nombreux. Pour le public, il s'agit du premier signe de présence d'un gang. Pour la police, c'est une preuve qui corrobore les renseignements transmis par des sources.

Ensuite, il peut définir les mouvements du gang et les zones contrôlées par ce dernier. Au Canada, l'usage de graffitis pour marquer un territoire n'est pas aussi répandu que dans les villes américaines, comme Los Angeles. Aux États-Unis, bien souvent, les gangs se soucient de délimiter leur territoire, car ils peuvent être très nombreux dans une petite zone urbaine.

Enfin, le graffiti communique les messages du gang. Il s'agit généralement d'appels, de menaces et de déclarations. Les menaces sont les plus fréquentes et sont habituellement adressées à des gangs et gangsters rivaux, mais parfois, elles sont destinées à la police.

Déchiffrer le message

Dans sa forme et sa présentation, le graffiti a tendance à s'inspirer de la culture. Certains gangs utilisent des symboles en plus de la terminologie commune. Par exemple, « 4/25 » signifie « pour la vie », et « 187 » est une « menace de mort », le chiffre 187 correspondant à l'article du code pénal californien traitant d'homicides - autre influence des gangs américains au Canada.

Généralement, le graffiti comprend des chiffres liés à l'alphabet. Cependant, les gangs influencés par la culture hispanique donnent à leurs créations murales une dimension plus artistique, fidèle à la culture mexicaine. Cette tendance est en évolution, car les gangs de rue bénéficient des talents des tagueurs du style hip-hop qui joignent leurs rangs.

La principale différence entre le graffiti de gang et les autres formes de graffitis réside dans l'utilisation d'un tag.

Les gangs de rue autochtones canadiens ont l'habitude de fusionner les lettres. Par exemple, Native Pride devient NP, en une seule lettre.

Bien que ce tag soit souvent abrégé, il n'est pas rare de le voir écrit au long pour que le lecteur puisse en saisir le sens.

Aux yeux du public, le graffiti est souvent lié à un gang. Cette croyance erronée est renforcée par le fait qu'un grand nombre de graffitis de gang ne sont pas l'œuvre d'un gangster mais celle d'un aspirant ou de quelqu'un qui s'identifie à la culture de gangs.

Le graffiti portant la signature d'un vrai gangster se distingue notamment par des identificateurs personnels, tels que son nom de rue ou ses initiales.

Étant donné qu'il est défini comme méfait dans le Code criminel du Canada, il ne fait pas toujours l'objet d'enquêtes approfondies, sauf dans les villes et les régions dotées de groupes ou d'agents de lutte contre les graffitis.

Il y a un avantage inestimable à traduire les responsables en justice. Sachant que le Code criminel prévoit l'alourdissement des peines, prouver qu'un identifiant de gang est utilisé par des gangsters permet à la Couronne de demander des peines plus sévères pour les contrevenants si les circonstances le justifient.

N'oublions pas les renseignements que nous fournit le graffiti de gang. Je vous donne un exemple : Blessé au travail, j'ai dû m'absenter pendant trois mois. À mon retour, j'ai mentionné au chef du groupe des crimes de rue du Service de police de Saskatoon que les activités des gangs de rue Indian Posse et Crazy Cree diminuaient, et que le Native Syndicate avait pris la relève. Il me l'a confirmé et m'a demandé comment je le savais puisque j'avais été absent pendant un certain temps. Je lui ai répondu que j'avais lu les graffitis.

Le serg.-dét. Lee jones a immigré de l'Angleterre au Canada en 2000 après avoir servi pendant 12 ans dans les rangs de l'armée britannique. Au Service de police de Saskatoon (SPS), il est devenu expert des graffitis de gangs grâce aux neuf ans qu'il a consacrés aux enquêtes criminelles dans ce domaine. En 2006, il a mis sur pied un groupe de lutte contre les graffitis à plein temps pour le SPS et, plus tard, a créé un cours en ligne d'enquête sur les graffitis.

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