Vol. 80, Nº 1Reportages

Graffiti ornant un passage inférieur.

Graffiteurs agrafés

Un policier stoppe de prolifiques vandales actifs

D'après le gend. Chris Fader, de la GRC, les graffitis attisent la méfiance intercommunautaire et font naître un sentiment d'insécurité chez les gens. Crédit : Cst. Chris Fader, GRC

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À l'été 2014, une vague de vandalisme par graffitis a bariolé le centre-ville de Moncton. De grosses lettres peintes à la bombe aérosol sont apparues dans les passages inférieurs, sur les abribus, les édifices et les clôtures, défigurant également propriétés publiques et privées.

« Une nuit, en regardant tous les graffitis des secteurs animés – on en compte entre 30 et 40 d'une extrémité à l'autre de la rue –, je me suis dit : "Comment arrivent-ils à faire ça sans qu'on les attrape?" », narre le gend. Chris Fader, patrouilleur du Détachement régional de Codiac de la GRC, à Moncton (Nouveau-Brunswick).

Après avoir remarqué que les quelques mêmes tags (pseudonymes ou surnoms écrits dans un style unique) revenaient nuit après nuit, il s'est donné pour mission de traquer et de trouver les vandales.

Depuis qu'il a commencé à s'intéresser au graffitage illicite, en 2012, le gend. Fader est devenu à Moncton la personne de référence en la matière. Il travaille étroitement avec la Ville pour consigner tous les détails de chaque graffiti et enrichir ainsi sa propre base de données. Pour chaque cas, il ajoute des photos et fait le suivi auprès des plaignants.

C'est ce que lui a enseigné son mentor Gerry Murney, de la police régionale d'Halifax, au sujet des enquêtes sur des graffitis : « Prends tout en note. Signale, prends en note, fais effacer  ».

Le gend. Murney, membre de l'équipe d'intervention communautaire de la police d'Halifax, s'occupe de la plupart des affaires de graffitage de la Ville. D'après lui, un travail proactif est indispensable au succès des enquêtes sur ce type de délits.

« Bon nombre de résidents ignorent combien le signalement peut s'avérer utile, dit-il. Les policiers doivent aller au-devant des associations commerciales, des propriétaires, des groupes communautaires… ils doivent aller leur parler et les informer. »

Sur le conseil de l'agent Murney, le gend. Fader a noué des relations avec le Downtown Moncton Centre-ville, une agence locale de développement économique qui dépense chaque année entre 10 000 $ et 15 000 $ pour faire disparaître les graffitis peints sur les biens publics du centre-ville.

« C'est une priorité : on ne veut pas que notre centre-ville ait l'air à l'abandon ou peu invitant, » précise Anne Poirier-Basque, directrice de Downtown Moncton Centre-ville.

Piste de peinture

Irrité par le grand nombre de graffitis visibles dans les rues de Moncton, le gend. Fader a remarqué que deux tags particu-liers revenaient plus souvent que les autres : « Nax » et « Four ».

« Les tagueurs traînent à proximité des lieux où ils vivent, travaillent et s'amusent », déclare le gend. Fader.

Guidé par cette idée, il a découvert un fil conducteur à force d'observer les tags : ils jalonnaient un sentier reliant Moncton à Riverview, petite ville de l'autre côté de la rivière où les suspects étaient présumés habiter. Les images fournies par la caméra de surveillance installée sur l'un des sites à graffitis lui ont permis d'établir que les vandales étaient de jeunes adultes.

À titre d'agent de liaison avec les écoles, il a communiqué avec les écoles de Riverview. À partir des images de vidéosurveillance, ils ont tenté d'identifier « Four » et « Nax ». Les responsables scolaires lui ont dit que si « Nax » était le jeune qu'ils pensaient, celui-ci fréquentait maintenant le Sheridan College, à Oakville. Ce renseignement n'étant pas suffisant pour procéder à une arrestation, le gend. Fader a continué à enquêter et à recueillir des éléments de preuve.

Monter un dossier

Ayant quinze minutes à tuer à la fin de son quart, le gend. Fader a fait une recherche sur Internet en entrant « Oakville graffiti ». Quelques minutes plus tard, il avait trouvé ce qu'il cherchait : sur une photo affichée sur un blogue local, il a aperçu le très caractéristique tag « Nax » peint sur un abribus d'Oakville, exactement le même que celui dont tout Moncton était barbouillé.

« Une fois ce dernier morceau de casse-tête mis en place, j'ai décidé de me consacrer à régler tous les dossiers de graffiteurs en série », affirme-t-il.

Le gend. Fader a procédé à l'arrestation de « Nax » et s'est mis à la poursuite de « Four » après avoir identifié son empreinte de chaussure à celle trouvée sur le site d'un immense tag peint dans un passage inférieur. Interrogé par la police, « Four » a admis sa responsabilité et nommé trois autres tagueurs actifs sur la scène locale du graffitage.

« Four » a dû répondre à 64 chefs d'accusation pour méfaits, auxquels il a plaidé coupable. Le tribunal lui a imposé une période de probation, du travail communautaire et le paiement d'un dédommagement. « Nax » et les autres tagueurs font face à des accusations semblables.

Le gend. Fader incite les policiers à prendre le temps de s'occuper des cas de graffitage dans leur secteur.

« Ces affaires-là peuvent être résolues, dit-il. J'ai réussi à faire condamner des graffiteurs sans les avoir jamais vu graffiter. Ça peut se faire – suffit d'y mettre l'énergie qu'il faut. »

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