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Une policière de la GRC se tient devant une grande image de la monnaie canadienne.

Une experte démystifie les biens numériques

Adrienne Vickery a appris les ficelles du métier en assistant à des conférences, en suivant une formation et en achetant son propre bitcoin. Crédit : GRC

La police développe de nouvelles compétences pour s'attaquer aux criminels qui utilisent la cryptomonnaie pour commettre des fraudes et cacher la provenance de leurs fonds. Travis Poland s'est entretenu avec la serg. Adrienne Vickery, coordonnatrice nationale en matière de cryptomonnaie aux Opérations criminelles de la Police fédérale de la GRC, au sujet de son travail d'enquête sur la cryptomonnaie et le blanchiment d'argent.

Qu'est-ce que la cryptomonnaie?

Il s'agit d'un bien numérique qui conserve sa valeur et qui peut être échangé contre des biens et des services. Le bitcoin domine les cryptomonnaies et c'est lui que nous voyons le plus souvent dans nos enquêtes. Les cryptomonnaies en soi ne sont pas illégales, mais si elles servent à blanchir des fonds ou à commettre des activités criminelles, nous enquêtons.

Est-ce anonyme?

C'est considéré comme pseudo-anonyme. Chaque transaction bitcoin est enregistrée sur la chaîne de blocs, qui est un grand livre public de transactions semblable à celui que l'on trouve dans un bureau de comptable. C'est un registre électronique dans lequel est consignée chaque transaction, le montant, les adresses des parties, etc. Mais l'identité du détenteur n'est jamais affichée. Des services de blanchiment d'argent sur le marché secondaire peuvent accroître l'anonymat en mélangeant les fonds en cryptomonnaie pour masquer leur origine. S'il peut être difficile d'identifier un détenteur de cryptomonnaie, les criminels finissent par avoir besoin de convertir leurs jetons en monnaie fiduciaire et c'est là que nous intervenons.

Comment les criminels utilisent-ils la cryptomonnaie?

Le pseudo-anonymat et la facilité d'accès la rendent vulnérable à l'exploitation criminelle. Ils l'utilisent dans la vente de biens illicites, comme des armes à feu ou de la drogue, sur le Web invisible, mais aussi dans les crimes d'extorsion et les stratagèmes frauduleux comme ceux liés à l'Agence du revenu du Canada où les fraudeurs demandent aux victimes d'envoyer des bitcoins. Habituellement, les criminels utilisent des espèces, mais la cryptomonnaie leur permet maintenant de transférer rapidement et à peu de frais de l'argent et de faciliter leur activité criminelle. Dans notre économie globalisée, on peut en quelques minutes transférer de la cryptomonnaie n'importe où dans le monde, y compris dans les régions isolées et parfois dépourvues de circuit financier traditionnel.

Que peut faire la police?

Des logiciels permettent de retracer et d'analyser les mouvements de fonds dans la chaîne de blocs. Lorsque les criminels tentent de convertir leurs jetons en un mode de paiement conventionnel, nous pouvons utiliser nos techniques d'enquête habituelles. De nouveaux règlements canadiens relatifs à la cryptomonnaie permettent d'obtenir des renseignements sur les opérations suspectes auprès du CANAFE.

Les dossiers impliquant la cryptomonnaie sont techniques et nécessitent souvent la collaboration de nos services de criminalistique numérique, de lutte contre la cybercriminalité et la criminalité financière et d'infiltration en ligne, ainsi que d'organismes partenaires d'application de la loi. En collaborant, nous renforçons notre capacité opérationnelle.

Y a-t-il eu des cas notables?

La plus grosse affaire à ce jour concerne la plateforme canadienne de cryptomonnaie Quadriga, dont le PDG, Gerald Cotton, est mort de complications de la maladie de Crohn lors d'un voyage en Inde. Il était le seul à détenir les codes d'accès permettant de récupérer les 250 M$ d'actifs cryptographiques de ses clients détenus dans ses coffres virtuels. Une enquête est en cours.

Un autre dossier digne de mention concerne un utilisateur du Web invisible surnommé « M. Hotsauce », qui vendait de la drogue au Canada en échange de bitcoins. Avec son peu d'expérience de la cryptomonnaie, l'équipe de lutte contre le crime organisé de la GRC à Milton a identifié, arrêté et accusé « M. Hotsauce ». Des poursuites ont été intentées avec succès et ont mené notamment à la confiscation de quelque 22 bitcoins (plus de 200 000 $); c'est la première saisie de cryptomonnaie réalisée par la GRC et l'une des premières confiscations de cryptomonnaie au Canada au titre des biens infractionnels.

D'où vient votre connaissance de la cryptomonnaie?

Je m'y intéresse. Je suis les nouvelles et j'ai lu tout ce que j'ai pu trouver ces dernières années. J'ai assisté à des conférences et suivi une formation sur la cryptomonnaie et l'analyse des chaînes de blocs. L'un des meilleurs moyens d'en savoir plus est d'acheter sa propre cryptomonnaie et de s'en servir pour des opérations. Ça permet de mieux comprendre le fonctionnement et le type d'information dont disposent les organismes d'application de la loi.

Qu'est-ce que les policiers devraient savoir?

Je milite en faveur de l'éducation dans ce domaine et nous nous employons à mieux renseigner et former nos agents. Le policier doit avoir une compréhension de base de la cryptomonnaie, pouvoir l'identifier et s'adresser aux experts lorsqu'elle surgit dans une enquête.

À mon avis, il n'y a pas lieu de craindre cette technologie. Au début, j'étais moi-même un peu dépassée par la cryptomonnaie, car je n'avais pas de formation en technologie. J'ai vite compris que c'est un moyen comme un autre de conserver et de transférer des fonds. De nos jours, les fonds circulent numériquement grâce aux cartes de crédit et aux virements électroniques. C'est presque pareil pour la cryptomonnaie, et des méthodes d'enquête efficaces existent.

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