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Un homme assis derrière un bureau réalise un croquis en noir et blanc. Il est entouré de photos et de dessins faits au crayon.

Dessiner les absents pour mieux s’en souvenir

Artiste judiciaire de la GRC, le cap. Jean Nault crée des portraits vieillis qui constituent de précieux outils pour les enquêteurs qui tentent de résoudre des affaires de meurtre ou de disparition. Crédit : GRC

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Le cap. Jean Nault, artiste judiciaire à la GRC, a passé sa carrière à dessiner des croquis de personnes qu'il ne connaît pas, mais qu'il aimerait désespérément que l'on retrouve : des suspects recherchés par la police et des adultes et des enfants disparus. C'est notamment le cas de Desiree Oldwoman, une jeune Autochtone atteinte d'autisme portée disparue il y a dix ans.

Alors âgée de 21 ans, la jeune femme a été vue pour la dernière fois le 27 août 2011, près de son domicile situé dans la réserve de la Première Nation Siksika, à une centaine de kilomètres au sud-est de Calgary (Alberta).

Dans l'espoir de relancer l'enquête, le cap. Nault a rendu visite à la famille Oldwoman afin de dessiner un portrait vieilli de la jeune fille, c'est-à-dire à l'âge qu'elle aurait aujourd'hui.

Avant de donner les premiers coups de crayon, l'artiste judiciaire examine plusieurs éléments, notamment l'âge de la personne et la probabilité que de nouveaux détails fassent leur apparition.

« On peut ainsi donner un nouveau souffle à l'enquête », affirme le cap. Nault, qui compte 24 années de service et travaille pour le Groupe des personnes disparues (GPD) d'Edmonton. « Dans le cas de Desiree, la famille veut désespérément savoir ce qui lui est arrivé. Ce travail est exigeant, mais important pour la famille et le public; ça montre que nous ne baissons pas les bras. »

La méthode de travail

Normalement, c'est le Centre de commandement opérationnel ou l'enquêteur principal qui communique avec un artiste judiciaire pour lui demander de créer un portrait, ou un dessin, de la personne.

Si celle-ci n'est pas connue des policiers, l'artiste interroge les témoins, puis commence son esquisse à partir des descriptions faites par ces derniers.

Le cap. Nault leur demande s'ils se souviennent de signes particulier chez la personne (cicatrices ou taches de naissance, par exemple), et leur montre des images de différents nez, yeux, mentons, lèvres et autres caractéristiques qui l'aideront à réaliser le portrait le plus fidèle possible.

« En gros, je tiens un crayon pendant qu'ils me disent quoi dessiner », explique le cap. Nault, titulaire d'un baccalauréat en beaux-arts de l'Université de l'Alberta. « Les témoins et moi échangeons tout au long du processus; ils commentent mon travail jusqu'à ce qu'ils n'aient plus rien à ajouter. »

Recueillir de l'information détaillée

Si on lui demande de faire un portrait vieilli d'une personne connue des policiers, le cap. Nault s'appuie sur une photo de la personne à l'âge où elle a été vue pour la dernière fois.

Il se sert également de photos des membres de la famille de la personne, ou rencontre ceux-ci.

« L'idéal c'est de trouver un membre de la famille qui ressemble beaucoup à la personne », poursuit-il. On recueille aussi de l'information sur son mode de vie, par exemple si elle fumait, travaillait à l'extérieur et était active ou sédentaire.

Le cap. Nault puise également dans d'autres sources d'information pour rendre le portrait plus vivant, représenter ce petit détail qui distinguait la personne.

« Tout est dans le regard de la personne et donc autour des yeux », croit il. « Ceux qui ont participé à des retrouvailles du secondaire vous le diront : c'est au regard qu'on reconnaît une personne qu'on a côtoyée 20 ou 30 ans plus tôt. »

Le cap. Nault a eu la chance de rencontrer plusieurs membres de la famille Oldwoman, dont une sœur cadette qui lui a confié que Desiree avait les yeux brillants et plein de vie. « J'ai pu constater que la sœur de Desiree vieillissait très bien, et comme elle lui ressemblait beaucoup, on pouvait présumer que Desiree aurait elle aussi l'air plus jeune que son âge », dit-il.

Éveiller un souvenir

Mais pourquoi demander à des portraitistes judiciaires de faire des croquis de personnes à l'âge qu'elles auraient aujourd'hui alors qu'on peut le faire à l'aide d'un logiciel? Le cap. Nault avoue s'être déjà posé la question.

« J'hésite à me servir du logiciel parce qu'il pourrait donner un produit trop parfait ou lisse qui ressemble davantage à une photo qu'à un dessin. Les gens pourraient le mettre rapidement de côté en disant qu'ils ne connaissent pas la personne. Le fait de regarder l'image quelques secondes de plus peut faire remonter à la surface un souvenir et ainsi fournir à la police un détail précieux pour l'enquête. »

En août 2021, le croquis du cap. Nault a été l'élément central d'une campagne de sensibilisation du public menée par la GRC sur la disparition de Desiree Oldwoman.

Même si peu de personnes ont été retrouvées grâce à des portraits vieillis, le cap. Nault, qui en a sept à son actif, estime que ce sont de précieux outils d'enquête.

« Il est important de se pencher de nouveau sur ces affaires, car on ne sait jamais ce qu'on peut découvrir », croit Carolyn Lloy, responsable du Groupe des personnes disparues de l'Alberta où le cap. Nault travaille depuis avril 2021.

Elle ajoute que le personnel du groupe examine et réexamine activement des affaires non résolues afin de recueillir de nouveaux éléments d'information qui pourraient faire avancer les enquêtes.

« Nous réexaminons des dossiers de septuagénaires portés disparus il y a 20 ans et d'autres personnes disparues plus jeunes pour lesquelles on a plus de pistes », dit Mme Lloy.

À l'heure actuelle, les enquêteurs de la GRC espèrent toujours que le portrait judiciaire vieilli de Desiree Oldwoman ouvrira de nouvelles pistes et qu'ils obtiendront un indice décisif.

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