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Une policière de la GRC est assise à un bureau.

Cryptomonnaies : la GRC forme des policiers

Spécialiste de l'utilisation criminelle des cryptomonnaies, l'insp. Adrienne Vickery de la GRC a organisé une conférence afin de partager son savoir avec d'autres policiers. Crédit : GRC

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Signe des temps, la GRC forme davantage de policiers aux enquêtes sur les cryptomonnaies.

« La monnaie virtuelle permet de déplacer des fonds aux quatre coins du globe en quelques minutes », explique l'insp. Adrienne Vickery, officière responsable du programme des cryptomonnaies à la Section de la criminalité financière (Opérations criminelles de la Police fédérale) de la GRC. « Lorsque les cryptoactifs constituent un bien infractionnel, nous devons utiliser toutes nos techniques d'enquête pour trouver l'origine des fonds. »

Un instrument à double tranchant

Des milliers de cryptojetons sont utilisés chaque jour pour acquérir des biens et des services ou investir en toute légalité. Mais des criminels s'en servent également pour un large éventail d'activités illicites, notamment l'achat et la vente de drogues, l'escroquerie de personnes vulnérables (notamment la fraude sentimentale), la traite des personnes, la vente d'armes illégales et le financement d'activités terroristes.

Les criminels recourent de plus en plus aux cryptomonnaies pour blanchir des millions de dollars, car elles peuvent être converties en monnaie ayant cours légal comme des dollars canadiens ou américains. Au Canada, les fraudes facilitées par la cryptomonnaie se sont chiffrées à 75 M$ en 2021, en forte hausse comparativement à 22,8 M$ en 2020 et à 8,2 M$ en 2019.

Conseils d'experts

En avril dernier, la GRC a réuni un groupe de spécialistes de la cryptomonnaie, comprenant des policiers, des avocats et des experts du secteur privé, afin de favoriser l'échange d'information et d'enseigner aux policiers canadiens à mener des enquêtes dans ce tout nouveau domaine.

Le s.é.-m. Jason Kerr de la GRC faisait partie des 24 policiers participants.

C'est en 2020 qu'il a découvert les cryptomonnaies dans le cadre d'une enquête sur un cas de traite des personnes. Il ne s'attendait pas à voir les suspects utiliser une monnaie numérique.

« C'était des brutes qui faisaient de l'intimidation », relate le sous-officier responsable du Groupe fédéral des crimes graves et du crime organisé à Saskatoon (Sask.). « Je n'aurais jamais pensé qu'ils savaient utiliser la cryptomonnaie. »

Depuis, il s'emploie à mieux connaître la monnaie virtuelle. Et il juge que le cours permet non seulement d'acquérir des compétences, mais aussi la confiance nécessaire pour prendre en charge des enquêtes qui comportent un volet cryptomonnaie.

Tendances et traçage

Les policiers qui ont suivi le cours ont pu découvrir les tendances en matière d'utilisation illicite des cryptomonnaies, le traçage des flux de transactions, ainsi que des études de cas, des questions juridiques et des saisies.

Des représentants du Service des poursuites pénales du Canada, du ministère du Procureur général de l'Ontario, du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, de la plateforme d'échange de cryptomonnaies Binance et de la firme de recherche sur les chaînes de blocs Chainalysis ont présenté des exposés.

Il s'agissait de montrer aux policiers comment, grâce à une formation et à des renseignements appropriés, on peut suivre les mouvements de cryptoactifs dans la chaîne de blocs, un registre de transactions sécurisé qui se trouve dans une base de données accessible au public.

« Les cryptomonnaies existent depuis un certain temps déjà, mais sont encore largement méconnues ou mal comprises », dit l'insp. Vickery. Pourtant, sur de nombreuses chaînes de blocs, on peut voir les dates, les soldes et les détails de chaque transaction ».

Ce qu'il manque et que doivent trouver les enquêteurs c'est qui tire les ficelles derrière. Personne n'utilise son nom sur une chaîne de blocs. Les utilisateurs créent plutôt un code qui leur sert de signature numérique.

Quelques bons coups

La GRC a quelques réussites à son actif. Un Gatinois a ainsi plaidé coupable cette année dans une enquête conjointe FBI-GRC sur un rançongiciel qui a débouché sur la saisie de dizaines de millions de dollars en cryptoactifs.

Les participants au cours ont également découvert les tenants et les aboutissants de l'enquête Obutton qui, en 2018, a ciblé un fournisseur de drogue surnommé M. Hotsauce qui se faisait payer en bitcoins, la cryptomonnaie la plus connue.

Lors d'une perquisition à son domicile, les policiers de la GRC ont trouvé un ordinateur en marche et un papier sur lequel figurait une série de chiffres et de lettres.

Ils ont immédiatement demandé l'aide de l'insp. Vickery et d'autres collègues. Grâce à leur réactivité, la GRC a pu saisir plus de 200 000 $ en cryptoactifs et déposer des accusations; une première pour elle.

« Nul besoin d'être expert en cryptomonnaies pour enquêter sur ce type de crimes », dit l'insp. Vickery. « Mais plus les policiers seront avertis, plus les enquêtes seront fructueuses. »

L'insp. Vickery est devenue coordonnatrice nationale en matière de cryptomonnaie en 2016 et s'emploie depuis à renforcer la capacité de la GRC à s'attaquer aux infractions connexes.

Partager le savoir

Certains des policiers qui ont suivi le cours feront office de mentors pour leurs collègues provinciaux.

Le s.é.-m. Kerr appuie déjà plusieurs de ses collègues en Saskatchewan et les encourage à rédiger leurs propres dénonciations en vue de l'obtention d'un mandat.

« Les mandats de perquisition et ordonnances de communication visent des documents ou des lieux précis, comme des banques », dit-il.

« Mais il n'y a rien de tel avec les crypotomonnaies puisqu'on est dans le virtuel. Il ne faut pas le perdre de vue. »

La Sous-direction des opérations criminelles de la Police fédérale compte offrir chaque année plusieurs cours sur les cryptomonnaies.

Cela fait deux ans que la GRC s'est dotée d'une politique sur le sujet. Elle tient aussi à la disposition de ses enquêteurs une trousse d'information générale.

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