Vol. 81, Nº 4Formation

Un policier de la GRC en civil lit des papiers, une boîte en carton sur la table près de lui.

Des connaissances spécialisées pour les affaires non résolues

Un cours sur les enquêtes historiques aide les policiers à trouver des pistes

Les policiers réinvestissent dans leurs enquêtes les compétences acquises en formation. Crédit : cap. Mike Burns

Par

Les affaires non résolues forcent les enquêteurs à s'adapter.

Une trentaine de policiers de la GRC et d'autres services qui espéraient élucider des affaires non résolues viennent d'acquérir de nouvelles compétences au Collège canadien de police.

Le cours Enquêtes sur décès historiques non résolus, le premier en son genre offert au Collège, portait sur divers sujets, dont les techniques d'enquête et d'interrogation, l'anthropologie judiciaire et la génétique.

« Les affaires en cours et les affaires résolues sont bien différentes », explique le serg. Ghislain Ringuette, formateur au Collège, ajoutant que ce cours présente une méthode normalisée et les dernières stratégies d'enquête sur les affaires non résolues.

Des techniques inédites

La formation comprend des stratégies de profilage géographique (analyse de cartes et de localisation pour circonscrire la recherche) et d'entretien cognitif (technique non accusatoire centrée sur la remémoration et les événements historiques). Les policiers ont appris à sonder le public et les médias sociaux pour dégager de nouvelles pistes d'enquête.

Un exposé portait sur les dernières innovations scientifiques et technologiques en génétique qui permettent aux policiers d'utiliser des preuves génétiques jusque-là inutilisables.

Une leçon traitait de la généalogie génétique, qui emploie l'ADN prélevé sur un lieu de crime, les bases de données en ligne et la recherche généalogique pour amasser des preuves.

Des experts américains qui utilisent cette technique ont expliqué que les enquêteurs établissent des liens génétiques avec des parents éloignés, et créent des arbres généalogiques à l'aide de dossiers publics et d'archives médiatiques pour découvrir le nom d'un suspect.

Cette technique a guidé les enquêteurs américains vers Joseph DeAngelo, le Tueur du Golden State, qui aurait commis plusieurs cambriolages, agressions sexuelles et meurtres dans les années 1970 et 1980.

Depuis l'arrestation et l'inculpation de DeAngelo en 2018, des dizaines d'agressions sexuelles et d'homicides historiques ont été élucidés aux États-Unis grâce à cette technique. Au Canada, le Service de police de Vancouver et l'Agence des services frontaliers du Canada y ont eu recours.

Selon le cap. Mike Burns, du groupe des affaires non résolues de la GRC au Yukon, cette méthode ouvre de nouveaux horizons.

« Cela pourrait aider dans les affaires de restes non identifiés (RNI), si on a de l'ADN mais peu de pistes d'enquête », explique le cap. Burns, membre de la GRC depuis 32 ans.

Le Centre national pour les personnes disparues et les restes non identifiés compte près de 300 affaires de RNI remontant au milieu des années 1960.

Selon les experts, cette nouvelle technologie ne remplace ni le porte-à-porte ni les interrogations.

« Le travail sur le terrain reste indispensable, ajoute le cap. Burns. Les affaires non résolues sont des marathons, pas des sprints. »

Bien qu'il soit difficile de déterminer combien d'homicides deviennent des affaires non résolues, Statistique Canada indique qu'en moyenne, 70 p. 100 sont élucidés chaque année.

Une perspective humaine

Le cours se concentre sur les techniques d'enquête, mais ne néglige pas les aspects plus personnels.

« Une affaire, c'est plus que des papiers, des photos et des dossiers », précise le serg. Ringuette.

Selon la cap. Grace Wood de la GRC, une présentation par une victime d'agression sexuelle et le policier qui a résolu l'affaire dix ans plus tard souligne l'importance d'élucider ces vieilles affaires.

« Il est important de servir la victime et sa famille, de leur rendre justice et de leur apporter des réponses », déclare la cap. Wood, affectée aux Crimes graves en Colombie-Britannique.

Maryanne Pearce, conseillère de la GRC sur la réconciliation et la question des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, a évoqué les nuances des communications adaptées aux réalités culturelles des familles des victimes et des témoins.

Elle a expliqué l'importance de tenir les familles au courant, et l'avantage d'un lieu de rencontre neutre pour s'entretenir avec les témoins et les aînés de la collectivité.

« Les policiers travaillent dans les collectivités autochtones et, même si un exposé ne changera pas le monde, nous voulons montrer différentes démarches », explique le serg. Ringuette, ajoutant que ces informations sont importantes, car les Autochtones sont souvent surreprésentés parmi les victimes de crimes.

Au Collège, les policiers rencontrent des collègues de partout au pays, et bâtissent un réseau pancanadien.

« On échange des pratiques, et c'est plus facile de prendre le téléphone quand on sait qui appeler », conclut le cap. Burns.

Date de modification :