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Deux policiers sur les ruines d'une maison brûlée.

Braver l’incendie de Fort McMurray pour mettre le public en sûreté

Deux membres fouillent les décombres d'une maison le 5 mai. Crédit : GRC en Alberta

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Plus de 300 membres de partout au pays ont travaillé à mettre les résidants de Fort McMurray à l'abri du feu qui dévastait la forêt avoisinante et que les premiers intervenants ont vite appelé « La Bête ». La GRC et les forces municipales ont orchestré l'évacuation des habitants, géré la circulation et assuré la sécurité de la ville pendant que plus de 2 000 pompiers tentaient de maîtriser l'incendie. Voici les récits de quelques membres qui ont risqué leur vie pour protéger Fort McMurray.

Le 3 mai, en matinée, l'incendie qui faisait rage au sud-ouest de Fort McMurray, en Alberta, bien qu'immense, semblait maîtrisé. Les parents ont envoyé leurs enfants à l'école et ont pris le chemin du boulot, sans savoir ce que leur réservaient les prochaines 24 heures.

« Tout était normal, ici, raconte Jodi Hinkson, adjointe administrative au Détachement de Wood Buffalo, qui sert Fort McMurray. L'incendie semblait contenu. Mais en revenant de dîner, on a vu cet énorme panache de fumée qui est passé du blanc au noir et qui a envahi tout le ciel. »

Mme Hinkson s'est remise au travail, mais avec un fond d'inquiétude persistante, sachant que ses trois enfants étaient à l'école, à l'autre bout de la ville. Lors d'un déplacement dans le couloir, elle a croisé l'insp. Lorna Dicks, chef suppléante du Détachement.

« Elle m'a dit de me préparer à partir, se rappelle-t-elle. J'ai vu la panique dans ses yeux et j'ai su que je devais aller chercher mes enfants. »

Évacuation

En congé, le gend. Kyle Green passait l'avant-midi à Fort McMurray avec son jeune frère qui était venu de l'extérieur pour une visite.

Il a dû couper court à son congé quand il a été rappelé d'urgence au travail — lui et tous les policiers que comptait la GRC dans la ville. L'incendie prenait de l'ampleur et il fallait évacuer.

« Il était hors de question de conduire, toutes les rues étaient bondées, explique le gend. Green qui a franchi à la course les deux kilomètres qui le séparaient du Détachement. Sur place, j'ai enfilé un uniforme. Comme tout le monde était débordé, j'ai sauté dans une voiture et j'ai fait tout ce que je pouvais pour me rendre utile. »

À Fort McMurray, un quart normal compte 24 membres, mais le 3 mai, tout l'effectif, soit 135 policiers, a été rappelé au travail. À titre de service de police compétent sur le territoire, la GRC a dirigé les opérations d'évacuation de la ville pour protéger les résidants pendant que les pompiers luttaient contre les flammes, afin que tout se déroule dans l'ordre et en sécurité.

« Les membres couraient dans tous les coins de la ville, partout où on avait besoin d'eux, souligne l'insp. Dicks, qui dirigeait le Détachement ce jour-là. Ils frappaient aux portes de quartier en quartier, évacuaient les écoles et sortaient les patients de l'hôpital que les pompiers arrosaient pour éviter qu'il flambe. Des vies ont été mises en péril à plusieurs moments pendant cette journée infernale. »

Au bout de quelques heures, l'insp. Dicks a décidé d'évacuer l'immeuble principal du Détachement de Wood Buffalo. L'incendie dévastait des quartiers voisins et progressait rapidement, aussi les policiers se sont repliés dans l'installation de relève, au sud de la ville.

« Chacun a fait sa part, du plus jeune au plus vieux, affirme le surint. Rob McCloy, chef du Détachement, qui était outre-mer, en congé, aux premiers jours du sinistre. Des membres étaient littéralement sur la ligne de feu, dirigeant la circulation, chatouillés par la fumée et les flammes. »

Sauve-qui-peut

Le gend. Chris Russell était de ceux qui ont évacué l'un des secteurs les plus chauds de Fort McMurray — Beacon Hill. Il était de service au moment où l'incendie a été déclaré hors de contrôle.

« J'étais à mon bureau, j'écrivais un rapport quand j'ai entendu les discussions radios s'enflammer rapidement, dit-il. Très vite, c'est devenu "tout le monde, au rapport!" »

Puisqu'on avait besoin d'effectifs dans Beacon Hill, le gend. Russell s'y est rendu en autopatrouille pour aider à vider le quartier. « On a frappé aux portes, on a forcé des gens à partir, précise-t-il. Certains ont quitté en laissant la télé ou la laveuse en marche. À un moment donné, il a fallu partir, sinon nous aurions été encerclés par le feu. À ce moment-là, la fumée orange était si dense qu'on ne voyait pas plus de cinq pieds devant nous. Nous avons roulé sur des braises. »

Quand les policiers ont essayé de quitter Beacon Hill, la répartition leur a dit d'éviter la principale route d'accès au quartier. Les flammes l'avaient traversée et la rendaient impraticable. Il fallait improviser et sortir du quartier sans emprunter les rues.

Prudemment, le gend. Russell a conduit sur l'herbe calcinée. Devant franchir un fossé, il a vu le véhicule d'un couple âgé qui y était pris. Parvenu à descendre la pente et à la remonter, il est revenu vers le couple pour le sortir de là.

« J'ai pris la dame par le bras et elle m'a dit "J'ai peur". Je lui ai répondu "Moi aussi." »

Le gend. Russell a conduit ses passagers de l'autre côté de l'épais nuage de fumée, en lieu plus sûr. Voyant un véhicule occupé par sa seule conductrice, il lui a fait signe de s'arrêter pour faire monter le couple âgé. Le temps d'un rapide réaménagement qui a permis au gend. Russell de rassurer le chat de la bienfaitrice, et les trois résidants et leur compagnon à quatre pattes ont pris la direction du sud, le chemin de l'évacuation.

« Tant de civils, comme elle dont je ne sais pas le nom, nous ont aidés chacun à sa façon, insiste le gend. Russell. Ils méritent tous notre gratitude. »

Il restait encore une chose à faire. Le gend. Russell s'est arrêté à une intersection sur la route 63 encombrée — la seule qui permettait de sortir de Fort McMurray. Ayant à gérer un goulot d'étranglement, il a entrepris de diriger la circulation. Le voyant seul pour gérer quatre voies de circulation, deux civils ont pris sur eux de l'aider.

« J'ai vu cet homme immobiliser son véhicule et en sortir en complet, chaussures chics et chemise blanche — il avait l'air d'un cadre. Il faisait de son mieux pour diriger la circulation avec moi ce jour-là. Ils étaient debout au milieu de la route, entourés de véhicules, pour m'aider, pour me protéger et pour faciliter l'évacuation. C'était incroyable. »

Une fière chandelle

Comme le lui avait conseillé l'insp. Lorna Dicks, Mme Hinkson a quitté le bureau pour aller chercher ses enfants. C'est là qu'elle a reçu l'appel d'un de ses collègues, le gend. Tim Hogg.

« Dès que j'ai vu son nom, je savais ce qu'il voulait, indique Mme Hinkson. Le gend. Hogg était affecté à l'évacuation et son épouse, la gend. Candice Djukic, était en formation à l'extérieur de la ville. Je lui ai demandé "Veux-tu que j'aille chercher ta fille Avery?" et il a dit "Oui". »

Mme Hinkson a trouvé la garderie d'Avery, est passée à la maison du couple chercher le siège d'appoint, les pompes prescrites à la petite pour son asthme et quelques photos de famille et elle a emmenée Avery comme si c'était sa fille.

Mme Hinkson est allée rejoindre son mari et ses enfants à la maison. En quelques minutes, ils avaient pris l'essentiel dans leur fourgonnette et s'étaient fondus dans la file des véhicules qui quittaient la ville. Il était impossible de joindre ni le gend. Hogg ni la gend. Djukic en raison de la surcharge du réseau téléphonique, aussi Mme Hinkson a décidé d'emmener la petite avec elle.

« Mes trois enfants font de l'asthme et Avery aussi, il fallait partir, se rappelle-t-elle. C'est ce que tout le monde faisait ce jour-là. On faisait monter à bord n'importe qui et on partait ensemble. »

« Nous devons beaucoup à Jodi, nous lui serons à jamais reconnaissants pour sa compassion quand tout autour n'était que chaos, avoue la gend. Djukic. Elle a vraiment fait bien plus que son devoir. »

Après la tempête

Nombre de policiers, comme les gend. Green et Russell, ont travaillé plusieurs jours d'affilée, sans trop dormir, manger et boire. Quelque temps après l'évacuation de l'immeuble principal du Détachement, le feu a obligé l'insp. Dicks à évacuer aussi l'installation de repli.

Le 4 mai — lendemain de l'avancée du feu sur la ville — la GRC, les agents municipaux d'application de la loi, les shérifs et les pompiers avaient évacué les résidants. Ce soir-là, bon nombre des membres de la GRC se sont rencontrés à Anzac, à 50 kilomètres au sud, où un détachement temporaire avait été établi.

« Nous sommes arrivés au coucher du soleil, les émotions étaient à fleur de peau, raconte le gend. Green. Derrière nous, nous voyions Fort McMurray en proie aux flammes. Il y avait cette grosse masse orange incandescente au loin. »

C'est ce soir-là que le gend. Green et sa fiancée, elle aussi membre de la GRC, ont appris la destruction de leur maison.

« J'ai vécu beaucoup de choses stressantes. Il faut reconnaître que ça vous change, vous ne verrez plus les choses comme avant. C'est ce que nous avons vécu. Nous en sortons plus forts. »

Le 7 mai, tous les policiers du Détachement de Wood Buffalo ont été relevés de leur service, pour un congé de deux semaines. Les renforts étaient arrivés et prenaient la relève des membres locaux.

« Malgré le danger, les membres ont réussi à aider 88 000 personnes à quitter la ville en quelques heures, sans aucun décès direct. Ça vient me chercher, avoue l'insp. Dicks. La po-pulation a bien réagi — des voisins qui ne vous avaient jamais adressé la parole venaient vous donner la main et vous offraient un café. »

Après deux semaines de repos, les membres du Détachement avaient hâte de revenir en ville, comme l'a constaté le surint. McCloy. Dans la première semaine de juin, la GRC et la plupart des résidants étaient de retour, la vie reprenait son cours normal.

« Le moral est bon — l'incendie nous a rapprochés, estime le surint. McCloy. Nous avons fait ce qu'il fallait, et quand il a fallu demander de l'aide, le reste de l'organisation a aussi été à la hauteur. Je ne connais aucune autre organisation qui peut ainsi partir sur les chapeaux de roue et faire comme si c'était normal. Nous le pouvons, et nous le faisons bien. »

Reproduit avec la permission du Pony Express ().

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