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L’histoire de Peter

Le 2 mars 2011, le gend. Peter Neily de la GRC a été impliqué dans une fusillade mortelle à Surrey (C.B.) où , dans une situation de légitime défense, il a tiré 30 coups sur un délinquant violent armé d’un fusil d’assaut.

Transcription

Le 2 mars 2011, le gend. Peter Neily de la GRC a été impliqué dans une fusillade mortelle à Surrey (C.-B.) où , dans une situation de légitime défense, il a tiré 30 coups sur un délinquant violent armé d’un fusil d’assaut.

>> M.r. : Fusil pointé vers un membre, silence.

>> NEILY : Surrey (inaudible). Nous avons besoin d’un GTI ici.

>> STO : Le GTI va venir.

>> NEILY : Suspect en possession d’un AR-15. Il le pointe vers moi. De multiples coups ont été tirés.

>> STO : Des coups ont été tirés vers un membre de la GRC et on a appelé le GTI

>> NEILY: Je suis sorti de mon véhicule - je suis sain et sauf. Il est toujours dans son véhicule. Le véhicule est coincé par ma voiture.

>> GTI: Surrey, ici le GTI.

Après l’incident traumatisant

Quand je m’arrête pour penser à l’incident et en parler, j’ai la gorge sèche au point de pouvoir à peine ouvrir la bouche.

>> Serg. Dean Jantzen (police de Saanich) : Plusieurs coups de feu ont été tirés. Par qui et dans quel ordre, nous ne pouvons pas non plus confirmer ces détails.

>> Présentateur de la CBC : La police peut toutefois confirmer que Purdie avait sur les genoux un fusil de calibre .22 chargé, modifié pour ressembler à ce fusil d’assaut militaire.

>> Serg. Jantzen : Le fusil d’assaut pointait vers l’endroit où se serait trouvé l’agent impliqué s’il avait été assis dans son véhicule.

Officiellement innocenté

Il a été officiellement annoncé que j’avais été innocenté par le service de police externe chargé d’enquêter sur l’incident, et on n’a relevé aucune preuve d’acte répréhensible de ma part.

Mais lorsque l’appel est finalement survenu, je ne m’y attendais pas du tout; c’était un choc et, d’une certaine façon, tout a commencé lorsque je me suis mis à penser à l’individu en cause dans l’affrontement cette nuit-là; le défunt, ce que sa famille a dû traverser, ainsi que tous ses amis.

Changements dans le comportement

J’ai commencé à remarquer des changements en moi, peut-être pas au début, mais peu à peu je me suis isolé, de ma famille, de mon entourage et de mes collègues.

Et je me suis mis à boire beaucoup, pas d’une manière socialement acceptable, sortir avec des amis et me détendre de façon responsable. Non, c’était plutôt une façon de m’isoler des autres, de rester à la maison, à l’écart de tous, de simplement boire jusqu’à ce que vienne le sommeil.

Je ne conduisais pas en état d’ébriété, je ne faisais rien qui soit répréhensible sur le plan disciplinaire, mais je sabotais mes relations avec ma famille.

Je ne voulais pas prendre une autopatrouille au risque d’être appelé; si j’avais bu, j’aurais été obligé de dire, non, je ne peux pas y aller parce que j’ai bu. Je voulais simplement dissimuler mon problème. Ce qui a fini par causer un conflit important avec un de mes collègues, que je respecte au plus haut point; je pense que c’est une des choses qui m’a fait comprendre que, même si je ne veux pas décevoir les autres, ce membre a été en disponibilité cinq soirs cette semaine, tout comme la semaine dernière, et je n’ai pris aucun appel. Je ne fais plus partie de l’équipe, qu’est-ce que je contribue à l’équipe?

C’est un sentiment très difficile à décrire, mais depuis l’incident, j’en ai parlé à d’autres policiers qui ont subi une épreuve similaire; je montais dans ma voiture à la fin de la journée pour rentrer à la maison et je restais là, sans démarrer, ni même allumer la radio; je restais là sans bouger, me disant : bon, je ne suis pas heureux au boulot, je ne me sens pas aimé des autres, je n’ai plus vraiment d’amis parce que je laisse tomber tout le monde, et je ne suis pas heureux à la maison non plus parce que je rends tout le monde misérable, je ne supporte plus tout ce stress.

La paranoïa qui m’oblige à vérifier les serrures et que sais-je encore, je dois avouer que ça me prend encore quelquefois, et pas seulement le soir; ça devient un facteur de contrôle. J’avais fini par vivre une période où j’avais des comportements vraiment bizarres comme ça; c’en était devenu pas vraiment une obsession, mais je dépensais pas mal d’argent à acheter des publications, des revues et des manuels sur les armes à feu. Je ne m’étais jamais vraiment intéressé aux armes à feu, mais tout d’un coup j’avais besoin de tout savoir sur le sujet.

Et je pense que c’était une partie du sentiment, cette hypervigilance; j’avais besoin d’être préparé à toute éventualité. J’en étais rendu au point où je devais m’assurer qu’il y avait une trousse de premiers soins dans chaque véhicule et dans chaque pièce où je me trouvais; ça aussi c’était devenu une obsession.

Souffrez-vous du TSPT?

Je n’emploie pas ce terme. Et la raison pour cela est très personnelle. Le premier mot de TPST est trouble; je préfère parler de blessure liée au stress opérationnel, parce que c’est une blessure, une véritable blessure  que j’ai subie, en raison du stress de mon métier; tout ça est lié au travail, et en plus de la blessure liée au stress opérationnel, je devais composer avec mon alcoolisme.

Peur de la réprobation

Il était plus facile de ne rien faire, de ne pas appeler à l’aide, et du même souffle dire : personne ne se soucie de moi. Je ne devrais pas avoir à m’efforcer de participer; d’avoir simplement dit aux gens que j’ai un problème, la baguette magique devrait opérer et de un, je devrais être mieux, et de deux, tout devrait s’arranger et tout le monde devrait m’appeler pour s’assurer que je vais bien; comme ce n’est pas le cas, ce n’est pas réaliste, mais ce n’est qu’aujourd’hui que je comprends que ce n’est pas réaliste.

C’était tellement facile de prendre le téléphone et d’appeler mon avocat pour savoir où en étaient les choses; alors pourquoi est-ce si difficile de prendre le téléphone et d’appeler mon médecin pour lui dire qu’aujourd’hui, ça ne va pas du tout? Parce que la pensée me vient encore que je vais perdre mon emploi, que je vais être stigmatisé, tout le monde va me regarder de travers. Encore une fois, il n’y a que le premier pas qui coûte.

Obtenir de l’aide

J’ai fini par rencontrer le médecin, le psychologue du personnel qui, je peux le dire maintenant, je rencontre de temps en temps; une personne qui m’offre un soutien formidable; ce n’est pas un policier, mais il en connaît pas mal sur la psychologie et les traumatismes.

Alors la prochaine étape a été d’être aiguillé vers l’hôpital d’Anciens Combattants Canada, où on m’a accepté pour un traitement. Ce service est offert aux membres de la GRC; ce n’est que par la GRC que j’en ai pris connaissance.

Composer avec l’incident

Pas un jour ne se passe sans que j’y repense. Je repense à sa famille, au fait que même après coup, l’individu était aux prises avec une dépendance; après en avoir appris un peu plus sur les dépendances, j’ai une meilleure compréhension du sujet; au cours du programme, j’ai commencé à relâcher une grande part de la colère que je retenais à l’intérieur depuis l’incident et, d’une certaine manière, j’ai commencé à faire la paix avec ce qui était arrivé, ainsi qu’avec l’individu en cause.

Rétablissement

Alors le moment où j’ai su que tout allait bien est le jour où j’ai terminé mon retour graduel au travail : ce jour-là j’assistais un sergent avec la divulgation pour un dossier; je suis rentré au bureau le matin et j’ai dit : oui, j’ai mon autorisation, je suis prêt à retourner sur le terrain et tout de suite, il m’a dit : très bien, tu veux préparer un mandat de perquisition? Ok, ça me va. Et j’étais de retour. Sur le coup, je ne m’en suis pas tout de suite rendu compte, mais cette marque de confiance de la part du sergent, ça voulait tout dire pour moi.

On parle de l’instinct de survie : dans les cas de recours à la force ou dans les affrontements avec des suspects, on sait qu’on fait appel à l’instinct de survie, on fait tout ce qu’on peut pour survivre à cet affrontement. Mais je pense qu’il faut aussi appliquer cet instinct de survie après coup, lorsqu’on coupe le moteur, qu’on éteint le gyrophare, une fois qu’on quitte les lieux; il faut continuer à essayer de survivre, car je ne veux même pas penser à ce que serait ma vie aujourd’hui si je n’avais pas obtenu de l’aide.

Service d’aide aux employés

Bien sûr, on dit que ça va changer et que les services vont se détériorer; mais moi, je peux vous dire que, pour avoir contacté le service pour un problème personnel, je n’en reviens pas de la qualité du service. 24 heures sur 24, sept jours sur sept, qui d’autre pouvez-vous appeler à 2 heures du matin sachant qu’il y a vraiment quelqu’un à l’écoute quand vous traversez un moment difficile? Et l’autre jour, quand un professionnel m’a rappelé pour fixer un rendez-vous. Ça fonctionne. Nous avons besoin d’un tel service, parce que si vous avez peur ou êtes embarrassé de discuter de certaines choses avec d’autres policiers, il y a un professionnel qui peut vous écouter.

Le mot de la fin

Je tenais à vous raconter mon histoire parce que si j’ai appris une chose, c’est qu’il est trop facile de rester là et de broyer du noir au sujet de sa situation.

Si vous prêtez attention à tout ce qui se dit autour de vous, dans les médias, et je ne veux pas blâmer les médias, mais tout ce qu’on entend dire c’est qu’il n’y a pas de soutien pour celui aux prises avec le trouble de stress post-traumatique ou une blessure liée au stress opérationnel, eh bien, ce n’est tout simplement pas la vérité. Ce n’est pas la vérité.

Besoin d’aide?

Appeler le Service d’aide aux employés (1-800-268-7708)
ou, pour plus de renseignements, visiter l’Infoweb de la GRC à la rubrique Outils des employés – Services des RH : Votre santé.

>> M.R. : On tire des coups – à l’instant même.

>> STO : Les coups proviennent-ils d’un de nos membres ou d’un suspect?

>> NEILY :  Surrey, une voiture de patrouille a été coincée.

>> STO : Message reçu – voiture de patrouille coincée.