Rapport sur les allégations de harcèlement et d'inconduite sexuelle au sein du Groupe de la formation aux explosifs du Collège canadien de police de la GRC

July 14, 2016

Aperçu

Le 9 février 2016, un ancien employé du Groupe de la formation aux explosifs (GFE) du Collège canadien de police (CCP) a écrit au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour lui faire part de ses préoccupations quant au comportement de deux employés du GFE. L'auteur de la lettre soutenait que le sergent d'état-major (s.é.-m.) Bruno Solesme et le membre civil (m.c.) Marco Calandrini s'étaient livrés à des actes de harcèlement et d'inconduite sexuelle à plusieurs reprises sur une période d'un an et demi, entre le 1er juin 2012 et le 31 décembre 2013 environ. Il se disait frustré de voir que, malgré ces comportements, les deux membres étaient finalement retournés travailler dans le domaine des explosifs et s'étaient vu imposer seulement de légères conséquences.

Avant que ces nouvelles allégations soient portées à l'attention du commissaire de la GRC, deux enquêtes internes avaient été menées pour faire la lumière sur des allégations d'inconduite sexuelle visant le s.é.-m. Solesme et le m.c. Calandrini une allégation de cette nature avait été formulée contre chacun d'eux au début de 2014 dans le cadre de l'ancien régime disciplinaire prévu par la Loi sur la GRC de 1988, et une autre avait été formulée à l'endroit du m.c. Calandrini en décembre 2014 dans le cadre du régime disciplinaire en vigueur à la GRC depuis l'adoption de la Loi visant à accroître la responsabilité de la GRC (2014). Des enquêtes parallèles sur les deux membres ont été lancées en 2016 comme suite aux nouvelles allégations, et elles se poursuivent toujours.

Le présent rapport vise à donner un aperçu complet des incidents susmentionnés et des enquêtes subséquentes, à communiquer les leçons qui en ont été tirées et à documenter les mesures recommandées pour améliorer la manière dont la GRC traite les cas de harcèlement et d'inconduite sexuelle en milieu de travail, notamment en offrant un soutien aux victimes, en misant sur la réintégration positive et en tâchant d'accroître le bien-être général de tous les employés dans leur milieu de travail.

Les incidents décrits dans les pages qui suivent sont complexes et s'inscrivent dans un contexte où beaucoup de choses se passaient en même temps, dont un changement de leadership au CCP et de nouvelles modalités mises en œuvre pour le règlement des inconduites à la GRC. Le présent rapport se veut à la fois transparent et respectueux de la vie privée des victimes et des témoins de ces incidents.

Lancement de l'examen

Le commissaire de la GRC est intervenu dès qu'il a pris connaissance des allégations d'inconduite sexuelle et de harcèlement au sein du GFE. L'ordre a tout de suite été donné de retirer le s.é.-m. Solesme et le m.c. Calandrini du lieu de travail, et un représentant de la GRC a communiqué avec l'auteur de la lettre envoyée au commissaire pour évaluer ses besoins et y répondre. Vu la gravité des allégations, le commissaire a immédiatement exigé qu'un examen soit entrepris afin de revoir les enquêtes et les décisions disciplinaires relatives aux allégations d'inconduite sexuelle et de harcèlement formulées antérieurement à l'endroit du s.é.-m. Solesme et du m.c. Calandrini.

La directive du commissaire portait sur trois mesures clés : premièrement, la formation d'une équipe d'examen multidisciplinaire composée d'employés de la GRC possédant des compétences très variées, notamment en matière d'inconduite et de harcèlement, et dirigée par le dirigeant principal adjoint des Ressources humaines; deuxièmement, la création d'un comité directeur formé de trois membres de la haute direction de la GRC afin de superviser le travail de l'équipe d'examen (voir le mandat ci-joint); et enfin, le déclenchement de nouvelles enquêtes relatives au code de déontologie sous la direction du commandant de la Division nationale, dans le but de faire la lumière sur les nouvelles allégations formulées dans la lettre au commissaire et sur toute autre inconduite non encore dénoncée.

Le commissaire a aussi invité M. Paul Kennedy, ancien président de la Commission des plaintes du public contre la GRC, à faire office d'observateur externe indépendant des enquêtes relatives au code de déontologie ainsi que des activités de l'équipe d'examen et du comité directeur, afin de soutenir l'engagement de la GRC à assurer un examen rigoureux, impartial et professionnel. Selon le mandat établi en vue de l'examen (voir ci-joint), M. Kennedy devait pouvoir accéder librement à toute l'information concernant les incidents visés.

Les enquêtes et les décisions disciplinaires relatives aux comportements du s.é.-m. Solesme et du m.c. Calandrini au CCP ont fait l'objet d'un examen approfondi. L'équipe chargée de cet examen s'est penchée sur les dossiers administratifs, les notes, la correspondance, les politiques, les procédures et les textes législatifs pertinents, a passé en revue les enquêtes connexes menées antérieurement et a interviewé les responsables de ces enquêtes, les victimes et un grand nombre de témoins. Une fois ce travail terminé, l'équipe d'examen et le comité directeur ont présenté leurs constatations et leurs recommandations finales à l'État-major supérieur de la GRC le 11 juillet 2016. Le présent rapport fait état des conclusions issues de l'examen ainsi que des recommandations subséquentes, que la GRC s'est engagée à mettre en œuvre intégralement.

Contexte

a) Changements organisationnels au sein de la GRC

Depuis son entrée en fonction à la tête de la GRC, le commissaire s'est fait une priorité de transformer la culture de l'organisation et s'est employé à lutter contre le harcèlement en milieu de travail et à favoriser le bien-être général du personnel. La GRC a pris plusieurs mesures concrètes en ce sens au cours des dernières années. En 2012, elle s'est prêtée à un examen comparatif entre les sexes afin de déterminer si ses politiques et ses pratiques de recrutement et de promotion étaient exemptes de sexisme et offraient des chances égales aux membres régulières. Elle a également cherché à combler les lacunes que présentaient sa procédure de règlement des griefs et son régime disciplinaire, y compris quant au traitement des plaintes de harcèlement et d'inconduite. En 2013, elle a élaboré un plan d'action intitulé Égalité entre les sexes et respect et a mis en œuvre des mesures visant à faire de la GRC un milieu de travail plus inclusif et empreint de respect. D'autres initiatives ont aussi été lancées récemment, y compris des programmes de soutien par les pairs, une stratégie et un plan d'action en matière de santé mentale, une formation sur le respect en milieu de travail, un programme de gestion informelle de conflits, une politique de prévention de la violence, un système de rapports sur les relations en milieu de travail, un système d'intervention rapide national et un bureau centralisé de coordination des plaintes de harcèlement.

Les évaluations effectuées dans le cadre de ces initiatives de transformation ont révélé que les modalités établies pour le traitement des affaires disciplinaires étaient excessivement légalistes, formalistes et accusatoires, et que leur application entraînait de longues attentes. Pour corriger ces problèmes, des mesures ont été prises dans le but d'améliorer les processus d'enquête et de règlement applicables aux cas d'inconduite. C'est pourquoi les enquêtes initiales sur les allégations d'inconduite au sein du GFE ont été menées selon le régime disciplinaire prévu par la Loi sur la GRC de 1988 et l'ancien code de déontologie de la GRC, alors que les enquêtes internes subséquentes ont suivi un processus différent.

Le nouveau code de déontologie et le nouveau processus d'examen des cas d'inconduite sont entrés en vigueur le 28 novembre 2014, au moment de l'adoption de la Loi visant à accroître la responsabilité de la GRC (2014). Ce nouveau processus permet de gérer les inconduites de manière plus souple, plus rapide et plus efficace, au plus bas niveau possible, en donnant les outils nécessaires aux gestionnaires de première ligne. Il s'agit d'un régime de discipline progressive, qui mise sur des mesures simples, correctives et éducatives plutôt que sur des mesures punitives. Depuis que ces modifications législatives ont pris effet, la norme applicable aux dossiers d'inconduite consiste à tenir une rencontre entre le membre visé et son gestionnaire pour décider en privé des mesures disciplinaires à imposer. Ce n'est que dans les cas où l'on demande le congédiement du membre que le dossier est renvoyé à un comité de déontologie et que les audiences connexes sont rendues publiques. Ce modèle n'est pas propre à la GRC, mais ressemble à celui qui existe pour les employés de la fonction publique du gouvernement du Canada. De plus amples renseignements sur les initiatives de transformation de la GRC sont fournis dans son site Web, aux adresses suivantes : http://www.rcmp.gc.ca/fr/conduite-des-membres et http://www.rcmp.gc.ca/fr/apercu-du-processus-disciplinaire. La législation applicable à la GRC vise autant les membres réguliers que les membres civils. Les enquêtes sur les allégations d'inconduite formulées à l'endroit du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini ont donc été menées selon les mêmes procédures.

Au total, trois séries d'enquêtes ont été déclenchées pour examiner les comportements du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini : ces derniers ont fait l'objet d'enquêtes en même temps au début de 2014 dans le cadre de l'ancien régime disciplinaire; le m.c. Calandrini a subi une autre enquête en décembre 2014; puis les deux membres ont de nouveau été visés par des enquêtes en 2016. Les enquêtes lancées après novembre 2014 ont été menées conformément au nouveau régime disciplinaire, y compris les plus récentes, qui se poursuivent toujours sous la direction du commandant de la Division nationale.

b) Mandat du CCP

Le CCP offre de la formation avancée et spécialisée ainsi que des programmes de perfectionnement des cadres aux policiers du pays entier, de même qu'à des partenaires à l'étranger. Au cours de la période visée par l'examen, deux directeurs généraux ont été responsables du fonctionnement quotidien du CCP. Le premier a été en poste jusqu'au 31 octobre 2013, pendant la période où la majorité des inconduites ont eu lieu, et le deuxième est entré en fonction le 4 février 2014, environ deux mois avant la dénonciation des incidents et le lancement des enquêtes sur les inconduites sexuelles signalées par une des victimes. Un directeur général intérimaire a assuré la transition pendant la courte période entre le départ de l'un et l'arrivée de l'autre.

À l'époque des présumées inconduites, le GFE était un petit service spécialisé qui offrait une formation en matière d'explosifs aux corps policiers de compétence municipale, provinciale et nationale. Il était composé de policiers et d'employés civils hautement qualifiés et présentait le cours des policiers-techniciens des explosifs à tous les corps policiers canadiens. En raison de l'emplacement de ses locaux, le GFE était isolé des autres services qui se trouvaient dans le complexe du CCP.

c) Responsabilités en matière de discipline et de ressources humaines dans la région de la capitale nationale

La responsabilité ultime de la conduite des employés et des autres questions relatives au milieu de travail dans le complexe du CCP et les autres lieux de travail de la GRC dans la région de la capitale nationale (RCN) revient au commandant de la Direction générale (DG). Le commandant d'une division est généralement son membre le plus haut gradé, et l'entière responsabilité de cette division lui incombe, y compris la supervision de toutes les activités opérationnelles et administratives. L'exercice de ces vastes pouvoirs de supervision lui permet de tout savoir et de tout apprécier des dynamiques qui existent dans les lieux de travail sous sa gouverne.

Toutefois, puisque la majorité des cadres supérieurs de la GRC occupent des postes à la DG, le commandant de la DG n'est pas le membre le plus haut gradé de la GRC à la DG. D'autre part, bien que le commandant de la DG soit l'ultime responsable de la conduite des employés du CCP, le directeur général du CCP est responsable des activités opérationnelles du CCP, et la personne qui occupait ce poste au moment où les premières allégations ont été formulées détenait le même grade que le commandant de la DG. L'univers singulier et complexe dans lequel le commandant de la DG et le directeur général du CCP exercent leurs fonctions s'étend à l'ensemble de la RCN. Dans le cas des enquêtes sur les incidents d'inconduite sexuelle et de harcèlement signalés au CCP, ce contexte particulier a contribué aux problèmes de communication entre la gestion du CCP et le commandant de la DG. Les échanges d'information en ont souffert, ce qui a donné lieu à des perceptions erronées quant à la gravité et à l'ampleur des inconduites qui avaient été commises et quant au climat de travail qui régnait au sein du GFE. Résultat, la gestion a raté de nombreuses occasions de prendre les mesures appropriées pour redresser la situation en suivant les politiques et les procédures applicables de la GRC.

L'examen du processus d'enquête

L'examen des enquêtes visant les actes d'inconduite sexuelle et de harcèlement reprochés au s.é. m. Solesme et au m.c. Calandrini a aussi révélé des problèmes de leadership au sein du GFE, même avant l'arrivée de ces deux membres. Les comportements observés par le passé n'étaient pas aussi graves que les actes d'inconduite sexuelle et de harcèlement qui font l'objet du présent rapport, mais de toute évidence, les choses ont évolué de manière à instaurer un climat qui avait pour effet d'inciter les victimes ou les témoins d'inconduites soit à quitter le service, soit à taire une partie des comportements observés.

Le 11 juin 2012, Bruno Solesme a été promu du grade de sergent à celui de sergent d'état-major et est devenu le sous-officier responsable du GFE. Le m.c. Calandrini, un civil qui possédait de vastes compétences dans le domaine de l'accès forcé à l'aide d'explosifs, travaillait au GFE depuis 2008.

De nombreux employés qui travaillaient au GFE à l'époque en sont venus à avoir une opinion négative du s.é. m. Solesme à cause de son style de gestion. Des témoins interviewés dans le cadre des enquêtes sur les allégations d'inconduite sexuelle ont affirmé que le s.é. m. Solesme intimidait et harcelait ses subalternes, qu'il ne faisait aucune consultation et qu'il négligeait de donner des directives claires sur les activités du GFE.

La première allégation d'inconduites graves commises par le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini au GFE a été signalée à la gestion du CCP le 15 avril 2014, pendant une réunion entre un formateur du GFE et le gestionnaire du s.é. m. Solesme. Ce formateur a alors mentionné au moins un incident de nudité impliquant le s.é. m. Solesme et au moins trois impliquant le m.c. Calandrini. Il a par ailleurs affirmé que plus tôt dans le mois, le m.c. Calandrini avait envoyé une photo de ses fesses nues à un autre employé du GFE par message texte. Ces allégations ont déclenché les premières enquêtes sur les inconduites du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini au CCP.

a) Première série d'enquêtes

Quand les allégations d'inconduite sexuelle ont été portées à l'attention de la haute direction du CCP le 15 avril 2014, celle-ci a lancé sans tarder des enquêtes internes sur la conduite des deux membres visés. Ces enquêtes, amorcées le 17 avril 2014, portaient sur les actes de nudité en milieu de travail que les deux membres étaient accusés d'avoir commis entre le 1er juin 2012 et le 31 décembre 2013 environ, ainsi que sur l'allégation voulant que le m.c. Calandrini ait envoyé une photo de ses fesses nues à un autre formateur du GFE par message texte le 2 avril 2014.

Les déclarations recueillies auprès d'autres personnes qui travaillaient au GFE à l'époque des présumés incidents ont joué un rôle central dans les enquêtes. Les témoins n'étaient pas en mesure de donner des dates précises, mais ils ont fait mention de plusieurs actes de nudité en milieu de travail commis par le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini entre le 1er juin 2012 et le 31 décembre 2013 environ. Ils ont qualifié ces actes de déplacés, mais ne croyaient pas que l'un ou l'autre des membres visés avaient agi dans une intention malveillante.

Au moment où ils ont fait ces déclarations, les victimes et les témoins n'ont pas tout dit; ils ont décrit des actes de harcèlement, d'intimidation et de nudité, mais ils ont passé sous silence certains autres comportements, y compris des attouchements sexuels qui seraient dénoncés en novembre 2014. L'examen des enregistrements de toutes les entrevues a révélé qu'on avait posé des questions ouvertes aux témoins et qu'on leur avait demandé s'ils avaient autre chose à ajouter à leurs réponses. Les témoins interviewés dans le cadre de l'examen du processus d'enquête ont soutenu que s'ils avaient mis du temps à signaler les inconduites du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini ou omis certains détails à leur égard, c'était par malaise et par crainte de subir des représailles ou de se faire coller l'étiquette de « mouchards ».

Le 6 mai 2014, après l'achèvement des enquêtes initiales, le commandant de la DG a ordonné la suspension du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini. Au moment de la première dénonciation en avril 2014, la haute direction du CCP a choisi de ne pas suspendre les deux hommes immédiatement, parce que la personne qui avait fait le signalement initial des actes d'inconduite était en congé de maladie, qu'il n'y avait aucune autre victime connue et que les présumés actes de nudité n'impliquaient personne d'autre que les deux membres accusés d'inconduite. De plus, si les témoins reconnaissaient le caractère déplacé de ces actes, ils ont dit n'y voir aucune intention malveillante.

Ils affirmeraient cependant plus tard que la décision de ne pas suspendre tout de suite le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini avait nui au bien-être du personnel dans le milieu de travail, puisque leur présence pendant le déroulement des enquêtes avait envenimé le climat déjà malsain qui régnait au GFE. Les témoins ont soutenu avoir été intimidés par les deux membres pendant cette période.

Après la suspension du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini, la gestion du CCP a cherché à améliorer le climat de travail au sein du GFE, notamment en y faisant venir un psychologue pour offrir un soutien au personnel. Même si les suspensions du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini ont été maintenues jusqu'à ce qu'ils comparaissent devant des comités d'arbitrage en décembre 2014, ils ont continué à communiquer avec certains employés du GFE, dont quelques-uns croyaient que les deux membres reviendraient au GFE une fois leurs suspensions levées. Victimes et témoins ont donc continué à craindre des représailles, même s'ils n'avaient plus à côtoyer le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini au travail.

Le 15 mai 2014, les enquêteurs ont rédigé leur rapport d'enquête selon les dispositions du régime disciplinaire prévu par l'ancienne Loi sur la GRC (1988). Devant la gravité des allégations, le commandant de la DG a conclu à l'existence de motifs suffisants pour déclencher la procédure applicable aux affaires disciplinaires graves en vertu de cette loi. Selon la procédure en question, les affaires de cette nature exigeaient la convocation d'un comité d'arbitrage habilité à imposer des sanctions sévères telles que le congédiement, la rétrogradation ou la confiscation de la solde. Des comités d'arbitrage ont entendu les deux affaires en décembre 2014. Pendant le déroulement des audiences, les suspensions des membres visés ont été maintenues.

Lors des audiences de décembre 2014, le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini ont reconnu certains des comportements qui leur étaient reprochés. Un énoncé conjoint des faits (ECF) a donc été présenté. Pour ce faire, il a fallu que le représentant du commandant de la DG participe à des discussions avec les représentants du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini au sujet des incidents en question et que toutes les parties s'entendent sur une version commune des faits, qui a par la suite été présentée au comité d'arbitrage.

La présentation d'un ECF peut être un moyen très efficace de régler des dossiers rapidement, mais en l'occurrence, cette façon de procéder a eu pour effet d'escamoter les aspects les plus graves des allégations, même si le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini ont reconnu avoir posé certains actes précis. C'est sur la base de L'ECF accepté par les parties que le comité d'arbitrage a rendu sa décision ultime quant aux peines à imposer.

Dans le cas du s.é. m. Solesme, le comité d'arbitrage a imposé la peine demandée par le commandant de la DG, soit un avertissement et une confiscation de la solde pour une période de sept jours de travail. Dans le cas du m.c. Calandrini, le commandant de la DG avait proposé que le comité lui impose une peine consistant en un avertissement, une confiscation de la solde pour une période de dix jours de travail et la recommandation de consulter un professionnel. Après avoir étudié les faits au dossier, y compris l'ECF, le comité a imposé un avertissement doublé d'une confiscation de la solde pour une période de cinq jours de travail. Dans sa décision, le comité n'a pas recommandé que le m.c. Calandrini consulte un professionnel, malgré les préoccupations exprimées par le commandant de la DG.

Au terme des audiences, le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini sont retournés au travail lorsque leur première suspension a été levée. La haute direction du CCP avait le pouvoir de décider où les deux membres travailleraient après leur suspension. Ni l'un ni l'autre n'a été affecté à des fonctions qui le mettraient en contact direct avec les témoins ou les victimes. En janvier 2015, le m.c. Calandrini a été réaffecté aux Installations des Opérations techniques et des Missions de protection (IOTMP), à Ottawa, et le s.é. m. Solesme est retourné au CCP, mais dans un service autre que le GFE. Il ne s'est pas vu confier un rôle de supervision.

b) Deuxième série d'enquêtes

Le 25 novembre 2014, tandis que le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini étaient suspendus et qu'ils attendaient leur audience devant le comité d'arbitrage, un employé du GFE qui avait été interviewé lors des premières enquêtes en avril 2014 a formulé de nouvelles allégations selon lesquelles le m.c. Calandrini l'avait agressé sexuellement. Ces allégations ont donné lieu à une nouvelle enquête sur la conduite du m.c. Calandrini, qui a été lancée le 2 décembre 2014 selon les dispositions du nouveau régime disciplinaire, conformément à la Loi sur la GRC de 2014.

En plus de mener une nouvelle enquête sur les allégations d'agression sexuelle conformément à la politique organisationnelle applicable, la GRC a informé le Service de police d'Ottawa (SPO) de ces allégations, puisque l'affaire relevait de la compétence de ce dernier. Le SPO a lancé une enquête criminelle, mais a conclu en février 2015 qu'il ne déposerait aucune accusation criminelle d'agression sexuelle contre le m.c. Calandrini.

Ces incidents d'attouchements sexuels importuns n'ont pas été signalés à la gestion du CCP au moment où ils sont survenus, ni pendant les entrevues menées en avril 2014 relativement aux allégations initiales de nudité. Quand on a demandé à la victime pourquoi elle n'avait pas signalé l'inconduite plus tôt, elle a invoqué plusieurs raisons, notamment des sentiments de malaise et de honte. La présumée agression sexuelle se serait produite entre les dates approximatives mentionnées dans les allégations d'incidents de nudité au GFE, c'est-à-dire entre le 31 août 2012 et le 29 octobre 2013, et aurait pris la forme d'attouchements non désirés.

À la suite de la décision du SPO de ne pas déposer d'accusations d'agression sexuelle, la GRC a mené une nouvelle enquête relative au code de déontologie dans le cadre de laquelle elle a obtenu plusieurs déclarations de témoins. Lorsqu'il a été interrogé, le m.c. Calandrini a expliqué qu'il blaguait avec la victime et qu'il n'avait pas eu l'intention de la mettre mal à l'aise.

Cette nouvelle enquête a mis au jour plusieurs autres allégations d'inconduite à l'endroit du s.é. m. Solesme, du m.c. Calandrini et d'un autre employé du GFE. Ces allégations concernaient des incidents semblables à ceux qui avaient été dénoncés antérieurement et fournissaient d'autres détails sur des comportements d'intimidation et de harcèlement. Ni la gestion ni le commandant de la DG n'ont ordonné que les nouvelles allégations fassent l'objet d'enquêtes plus poussées.

En date d'octobre 2015, la deuxième enquête sur la conduite du m.c. Calandrini était arrivée à sa conclusion. Comme il est expliqué plus haut, dans le cadre du nouveau régime disciplinaire, les dossiers ne sont renvoyés à un comité de déontologie que lorsque le congédiement du membre visé est demandé. Or, en l'occurrence, le commandant de la DG ne demandait pas le congédiement du m.c. Calandrini. Les mesures disciplinaires ont donc été imposées sous forme de rapport de décision. Ce rapport est un document écrit énonçant les conclusions du décideur quant aux allégations de manquement au code de déontologie, les mesures disciplinaires imposées (le cas échéant) et les motifs à l'appui de la décision. À la GRC, la communication du rapport de décision se fait à peu près de la même façon que dans le régime disciplinaire de la fonction publique du gouvernement du Canada; le commandant de la DG transmet ce rapport uniquement au membre visé et ne le fait parvenir à aucun autre destinataire. Le 5 octobre 2015, le commandant de la DG a conclu que les trois allégations d'attouchements importuns étaient établies. Le m.c. Calandrini s'est vu imposer une confiscation de la solde pour cinq jours de travail relativement à chaque allégation, soit une sanction financière équivalant à 15 jours ou 120 heures de salaire au total.

En janvier 2016, alors qu'il lisait un document d'information contenant un résumé des affaires disciplinaires de la DG, l'agent de la responsabilité professionnelle (ARP) a pris connaissance des mesures disciplinaires que le commandant de la DG avait imposées au m.c. Calandrini. À la lumière de ce résumé, l'ARP a demandé, le 8 janvier 2016, qu'un examen soit effectué par le Secteur de la responsabilité professionnelle afin de déterminer si les mesures imposées relativement aux attouchements importuns subis par un autre employé du GFE pouvaient soulever des préoccupations. L'ARP est l'autorité désignée aux termes de l'article 9 des Consignes du commissaire (déontologie) pour examiner les dossiers d'inconduite dans le but de déterminer si la conclusion formulée dans la décision est raisonnable et si les mesures disciplinaires imposées sont proportionnelles à la nature et aux circonstances l'inconduite. L'ARP a effectué un examen conformément aux dispositions de l'article 9 et a conclu que les mesures imposées au m.c. Calandrini ne reflétaient pas la gravité de son inconduite. Une audience disciplinaire a donc été convoquée pour demander le congédiement du m.c. Calandrini, mais la date de cette audience n'a pas encore été fixée.

c) Troisième série d'enquêtes

À la fin d'août 2015, le GFE a été fusionné au Groupe des incidents chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et explosifs (CBRNE). Il a alors été déplacé du CCP aux Opérations techniques, qui se trouvent aux IOTMP, à Ottawa. La décision de fusionner ces deux groupes pour accroître l'efficacité et réduire les dédoublements et les coûts s'était prise avant que les inconduites soient dénoncées. Le 8 septembre 2015, pour pallier un manque de ressources, la gestion des Opérations techniques a donné son autorisation afin que le s.é. m. Solesme serve temporairement de formateur pour le cours des policiers-techniciens des explosifs et de radiographie aux IOTMP, ce qui l'amènerait à travailler aux côtés des victimes des incidents de nudité et de harcèlement en milieu de travail dans lesquels il avait été impliqué par le passé. La haute direction du CCP n'a pas prévenu les victimes du retour du s.é. m. Solesme, si bien qu'à l'arrivée inattendue de ce dernier, les victimes qui faisaient encore partie de l'effectif du GFE sont immédiatement parties en congé pour une durée indéterminée.

Les victimes et les témoins n'ont pas été informés des mesures disciplinaires imposées relativement aux incidents de nudité, d'intimidation, de harcèlement et d'attouchements sexuels impliquant le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini. De plus, des membres clés de la haute direction des Opérations techniques n'étaient pas au courant de certaines déclarations que les victimes avaient faites à leurs superviseurs et à la gestion en dehors du processus d'enquête officiel. Certains cadres supérieurs du CCP étaient conscients de la méfiance et du malaise que ressentaient les victimes à l'égard du s.é. m. Solesme, mais la situation n'avait pas été pleinement exposée au gestionnaire des Opérations techniques qui a confié la présentation du cours des policiers-techniciens des explosifs au s.é. m. Solesme.

La troisième série d'enquêtes a mis au jour d'autres allégations d'intimidation, de harcèlement et d'attouchements sexuels non désirés mettant en cause le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini. Ces deux membres ont donc été suspendus de nouveau. Depuis lors, des enquêtes ont aussi été amorcées relativement à de présumées inconduites reprochées à un troisième individu qui a travaillé avec le s.é. m. Solesme et le m.c. Calandrini entre juin 2012 et décembre 2013. Toutes ces enquêtes se poursuivent.

Conclusion

Le présent rapport fait état des inconduites tant reconnues que présumées du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini, des enquêtes et des processus disciplinaires initiaux à leur égard, ainsi que de l'examen subséquent de la manière dont les incidents en question ont été traités dans le cadre du régime disciplinaire. Il fournit autant de détails que possible tout en protégeant la vie privée des personnes touchées.

Comme suite aux constatations de l'équipe d'examen en ce qui concerne les incidents susmentionnés, le comité directeur a adressé 28 recommandations à la haute direction de la GRC. Ces recommandations tiennent compte des leçons dégagées des enquêtes relatives aux incidents et portent sur des questions variées, y compris la gouvernance, la gestion des ressources humaines ainsi que les pratiques de responsabilisation et de communication au sein de l'organisation.

La GRC appuie sans réserve les constatations et accepte les recommandations. Bien que des progrès aient été réalisés en ce qui concerne le règlement des cas de harcèlement et l'assainissement des milieux de travail de la GRC, il ne fait aucun doute que certaines réalités exposées dans le présent rapport sont inacceptables, à savoir les inconduites graves du s.é. m. Solesme et du m.c. Calandrini, le manque de leadership des dirigeants de la GRC et l'inefficacité systémique des deux régimes disciplinaires, l'ancien et le nouveau, ainsi que des pratiques de gestion des ressources humaines dans le redressement de la situation. En particulier, il faut souligner que les enquêtes et les processus déclenchés à la suite des incidents ont offert une foule d'occasions de gérer efficacement les inconduites, de protéger les victimes tout comme les témoins et de favoriser la guérison du milieu de travail, mais que ces occasions ont été perdues. Pour ces raisons, le commissaire de la GRC et l'organisation dans son ensemble présentent leurs excuses sincères à toutes les personnes touchées.

Les Canadiens doivent avoir confiance en leur service de police national, reconnu partout dans le monde à titre de symbole emblématique du Canada. La GRC doit continuer à renforcer et à promouvoir le bien-être en milieu de travail, et pour ce faire, elle doit absolument s'assurer que ses employés sont protégés contre le harcèlement et qu'ils ont confiance en les mécanismes établis à l'interne pour régler les cas d'inconduite. Le présent rapport démontre qu'il reste du travail à faire pour que la GRC remplisse cet engagement envers ses employés et l'ensemble de la population canadienne. Le commissaire fera des mises à jour trimestrielles au ministre sur les progrès réalisés par la GRC à ce chapitre. La mise en œuvre des recommandations ici formulées sera une priorité pour la GRC, il le faut, afin d'assurer la santé et la sécurité de ses employés et de regagner la confiance des Canadiens.

Constatations et recommandations

Constatations

Il y a eu au GFE des incidents de nudité et d'attouchements importuns. Un tel comportement est inacceptable en milieu de travail, quelle qu'en soit l'intention, et doit en disparaître.

Les victimes et les témoins des incidents de nudité et d'attouchements importuns ne les ont pas signalés immédiatement, par malaise ou par crainte. Il faut encourager le signalement rapide de l'inconduite sexuelle en milieu de travail afin qu'on puisse y réaliser sans attendre l'intervention qui convient et qui est proportionnelle à la gravité de l'inconduite.

Recommandations

1. Que la GRC lance sans attendre une initiative nationale afin d'éradiquer l'inconduite sexuelle en milieu de travail en misant sur la sensibilisation, l'éducation, la détection et l'intervention rapide et adaptée à une telle inconduite. L'initiative nationale doit encourager le signalement de l'inconduite sexuelle et apaiser les craintes de représailles. L'initiative nationale doit être visible, avoir un coordonnateur national et mobiliser la participation des divisions.

2. Pour que l'intervention soit proportionnelle à la gravité de l'inconduite sexuelle, que les autorités disciplinaires soient tenues de consulter la Direction des représentants de l'autorité disciplinaire (DRAP) dans les dossiers d'inconduite dont des allégations sont de nature sexuelle, qu'elles concernent des attouchements sexuels importuns ou de l'exhibitionnisme.

Constatations

Le s.é.-m. Solesme n'a pas manifesté le comportement attendu d'un superviseur.

La gestion intermédiaire avait de bonnes intentions, mais n'a pas toujours appliqué les pratiques exemplaires. Elle a eu des occasions dont elle n'a pas profité à l'égard des processus, de la communication et du bien-être en milieu de travail.

Recommandation

3. Qu'un groupe de travail soit établi pour trouver des occasions de formation et de perfectionnement afin de renforcer les connaissances, les compétences et les capacités des superviseurs et des gestionnaires dans les matières suivantes :

  1. les fonctions de supervision;
  2. la communication;
  3. la déontologie et le harcèlement;
  4. le bien-être en milieu de travail, y compris les formes de soutien offert aux employés et les demandes d'évaluation médicale lorsque les circonstances le justifient.

Constatation

Avant et après leurs suspensions, le s.é.-m. Solesme et le m.c. Calandrini (les membres visés) ont eu des contacts avec certains témoins, ce qui a nui au bien-être des témoins. L'ordonnance type de suspension ne comporte pas une clause d'interdiction aux membres visés d'entrer en contact avec des témoins et de se présenter sur les lieux de travail de la GRC.

Recommandation

Que les ordonnances types d'imposition de mesures administratives temporaires (qui incluent la réaffectation et la suspension temporaires) soient révisées pour y ajouter des clauses d'interdiction d'entrer en contact avec des témoins potentiels, à moins d'y être autorisé (p. ex. rendre des compte à un superviseur qui peut être un témoin potentiel) et, en cas de suspension, d'interdiction de se présenter sur un lieu de travail de la GRC, sauf pour l'obligation de rendre compte et pour d'autres motifs approuvés (p. ex. rencontrer les Services de santé).

Constatation

L'inconduite sexuelle en milieu de travail est une inconduite très grave qui doit être signalée au niveau le plus haut. Le commissaire n'a pas été informé du règlement de ces dossiers d'inconduite ni des décisions de réintégrer les membres visés au travail.

Recommandation

5. Qu'il soit obligatoire de préparer une note d'information au commissaire pour signaler les incidents d'inconduite sexuelle à la GRC ainsi que leur règlement final.

Constatation

Bien qu'on ne puisse pas prêter de mauvaises intentions à la gestion pour son choix de ne pas divulguer le règlement de la procédure disciplinaire et la réintégration des membres visés, son silence a nui au bien-être d'employés du GFE. Le choix de ne pas en parler reposait, en partie du moins, sur le respect du droit des membres visés à la protection de leurs renseignements personnels dans la procédure disciplinaire. La procédure disciplinaire n'a conféré aucun statut de partie aux plaignants ni aux témoins, statut qui leur aurait donné le droit d'être informés des suites. L'actuel régime disciplinaire empêche la GRC de révéler aux plaignants, aux témoins et à la population en général le résultat des procédures disciplinaires subies par ses employés.

Recommandations

6. Que la GRC fasse le nécessaire pour que la procédure applicable au harcèlement et à l'inconduite soit plus transparente pour les plaignants, les témoins et la population.

7. Que toutes les décisions du nouveau comité de déontologie soient publiées sur CanLii (site Web de l'Institut canadien d'information juridique) ou dans une base de données semblable qui permet les recherches.

Constatation

Les membres visés ont été réintégrés après leur suspension sans la pleine mobilisation de Perfectionnement et Renouvellement des ressources humaines (Affectations). Étant donné que la gestion n'avait pas pleinement mobilisé les Affectations de la GRC, ni la gestion du GFE ni ses employés n'ont pu bénéficier de tous les outils et de l'expertise du personnel des Affectations.

Recommandations

8. Que l'actuelle structure des services des Ressources humaines et de la Responsabilité professionnelle soit examinée afin de déterminer s'il est nécessaire de mieux les intégrer, étant donné que bien des mesures disciplinaires comportent une dimension de ressources humaines.

9. Qu'une politique soit mise en place afin qu'il soit obligatoire de consulter Perfectionnement et Renouvellement des ressources humaines (Affectations) chaque fois qu'un membre est réintégré en milieu de travail après une suspension.

10. Si une mutation ne fait pas partie des mesures imposées au terme de la procédure disciplinaire, qu'on envisage la mutation obligatoire de l'employé impliqué dans une inconduite sexuelle en milieu de travail ou dans une inconduite sexuelle en lien avec une activité professionnelle.

Constatation

Le commandant de la DG fait office d'autorité disciplinaire pour le Collège canadien de police et pour plusieurs autres lieux de travail disséminés dans la RCN. Outre ce rôle d'autorité disciplinaire, il n'est cependant pas clair si le c.div. a d'autres pouvoirs d'administration et de supervision sur le CCP et les autres lieux de travail de la RCN. Cette situation est particulière à la RCN. Ailleurs, un c.div. a l'entière responsabilité de toute sa division, y compris les pleins pouvoirs de supervision opérationnelle et administrative, de sorte qu'il peut tout savoir et tout apprécier des dynamiques dans tous les lieux de travail qui relèvent de son commandement. En l'occurrence, la gestion du CCP a jugé qu'une mutation ferait éventuellement partie de la décision prise au terme de la procédure disciplinaire, et l'autorité disciplinaire estimait que la mutation relevait d'une décision de gestion. Or une mutation peut être imposée par procédure disciplinaire, et elle peut aussi être imposée par la gestion.

Recommandation

11. Afin de clarifier les rôles et les responsabilités, qu'un examen soit fait de l'actuelle structure de commandement à la DG, y compris des rôles et responsabilités du c.div. et des cadres à la tête des divers secteurs d'activité de la DG, relativement aux pouvoirs applicables en déontologie et en administration au siège de la DG et aux autres lieux de travail disséminés dans la RCN.

Constatation

Le domaine des explosifs est un domaine très spécialisé du milieu policier. Au moment des incidents, le CCP venait de subir d'importantes compressions budgétaires. Une forte pression s'exerçait sur les ressources pour fournir la formation sur les explosifs, et le contexte était éprouvant pour la gestion et pour les employés.

Recommandation

12. Que la gestion du CCP et la gestion des IOTMP élaborent un plan des ressources humaines pour le GFE/CBRNE afin d'assurer :

  • la planification de la relève;
  • l'élargissement du bassin de formateurs compétents pour les cours très spécialisés;
  • la capacité de répondre à des augmentations momentanées de la demande de services.

Constatation

L'examen des processus a mis au jour des allégations de comportement inadéquat antérieur au GFE du CCP, qui ne concernent pas seulement les membres visés en l'occurrence. La supervision semble faire défaut depuis plusieurs années dans cette petite équipe spécialisée. Une intervention préventive rapide aurait pu éviter les inconduites survenues au GFE en 2012 et 2013. Il faut mettre en place un mécanisme pour repérer les milieux de travail qui nécessitent davantage d'orientation, de soutien ou d'intervention.

Recommandations

13. Qu'un examen de gestion soit mené au groupe intégré du GFE/CBRNE aux IOTMP.

14. Que la GRC applique un mécanisme objectif au niveau des groupes dans toute l'organisation afin de déterminer le degré de bien-être qui y existe actuellement.

15. Que le Système d'intervention rapide national (SIRN) soit bonifié afin d'englober les lieux de travail et les superviseurs qui ont besoin d'orientation, de soutien ou d'intervention.

16. Lorsqu'un lieu de travail est repéré par le SIRN, qu'une équipe multidisciplinaire temporaire y soit déployée pour s'occuper immédiatement du problème et du bien-être des employés sur place. Qu'un groupe de travail décide du mode de mobilisation de l'équipe temporaire, de sa composition, des compétences, etc. dont elle aura besoin.

Constatation

Les témoins ont fait état d'un faible bien-être des employés en milieu de travail, en partie fondé et en partie non fondé sur l'inconduite. Le bien-être en milieu de travail est demeuré un problème pour les plaignants et les témoins pendant et après l'enquête et le règlement des affaires en cause.

Recommandations

17. Qu'on procède à l'évaluation de la satisfaction et de la mobilisation des employés au groupe intégré GFE/CBRNE des IOTMP et du CCP. Que cette évaluation soit répétée annuellement pendant trois ans, puis que l'examen des résultats amène à déterminer s'il faut continuer, à quelle fréquence le cas échéant.

18. Que des lignes directrices soient élaborées à l'intention des enquêteurs en matière de harcèlement, pour les éclairer sur la manière d'aborder les plaignants qui ont formulé des allégations d'inconduite sexuelle et les témoins d'inconduite sexuelle, afin que le bien-être des plaignants et des témoins soit pris en considération au long du processus.

Constatation

Bien que les enquêtes aient été menées conformément aux lignes directrices applicables, certaines procédures d'enquête auraient pu être améliorées.

Recommandation

19. En matière d'enquête sur l'inconduite et le harcèlement :

  1. qu'une déposition ne soit pas prise en dehors d'une procédure d'enquête officielle;
  2. que le plaignant fasse une déposition complète avant que les enquêteurs ne rencontrent d'autres témoins;
  3. que la déposition soit enregistrée électroniquement, à moins d'une raison valide de procéder autrement (p. ex. le témoin ne consent pas à l'enregistrement), et si l'enregistreuse a mal fonctionné, que l'enquêteur fasse lire ses notes ou la déposition écrite au témoin et qu'il lui fasse signer le document lu.

Constatation

L'ECF déposé devant le comité d'arbitrage ne lui donnait pas un tableau complet de la situation. Des témoins ont fortement dénoncé certaines omissions dans l'ECF.

Recommandations

20. En lien avec l'ECF, qu'une norme de formation et un guide soient rédigés à l'intention de la DRAP, de la Direction des représentants des membres (DRM), et de l'autorité disciplinaire de niveau III, afin de décrire :

  1. les circonstances dans lesquelles un ECF est justifié;
  2. comment un ECF doit être rédigé;
  3. les types d'allégations qui ne peuvent pas faire l'objet de négociations pour produire un ECF (p. ex. l'inconduite sexuelle).

21. Qu'une procédure soit mise en place pour imposer l'examen indépendant de l'ECF par une personne désignée par le directeur général des Services de recours afin que l'ECF soit approuvé avant d'être présenté au comité disciplinaire.

22. Que les ECF fassent l'objet de vérifications périodiques.

Constatation

La dirigeante des Relations employeur-employés à la DG préconisait le renvoi des membres visés lorsqu'on lui a demandé son avis. En fin de compte, on n'a pas demandé leur renvoi.

Recommandations

23. Qu'on ordonne aux autorités disciplinaires de consigner en dossier l'avis qui leur est fourni par un conseiller en déontologie ou autre (p. ex. le dirigeant des Relations employeur-employés) et qu'elles soient tenues, si elles choisissent de ne pas suivre l'avis obtenu, de justifier leur décision par écrit dans le dossier.

24. Qu'on ordonne aux autorités disciplinaires de justifier dans leur rapport de décision l'imposition de mesures en dehors de celles prévues dans les gammes établies dans le Guide des mesures disciplinaires.

Constatation

Les incidents d'inconduite sexuelle en milieu de travail ont des conséquences importantes sur les plaignants et les témoins. Lorsqu'une affaire est confiée à un comité disciplinaire et qu'un arriéré en retarde le traitement et l'arbitrage, les conséquences perdurent pour les plaignants et les témoins. Par conséquent, il conviendrait d'essayer d'accorder une priorité accrue aux dossiers d'inconduite sexuelle confiés à un comité disciplinaire.

Recommandations

25. Que le SRP élabore une définition claire de ce qui constitue une inconduite sexuelle.

26. Que le SRP fasse examiner en priorité les dossiers d'inconduite sexuelle confiés à un comité disciplinaire, compte tenu des conséquences qu'ils ont sur les plaignants et les témoins.

Constatation

Le GFE du CCP a été fusionné aux CBRNE des IOTMP en août 2015. Les employés du GFE, qui relevaient alors de nouveaux gestionnaires, ont donc quitté le CCP et se sont réinstallés aux IOTMP. Or les nouveaux gestionnaires n'ont pas été informés pleinement des antécédents d'inconduite et du contexte particulier du GFE et de son personnel.

Recommandation

27. En situation de transition de gestion, que le responsable qui se départit d'une équipe prépare une trousse d'information de transition dans laquelle il traitera d'éléments du mandat, parmi lesquels des enjeux de RH, notamment les problèmes d'inconduite et de planification de la relève.

Constatation

La gestion et le personnel qui ont reçu les plaintes et procédé à l'enquête sur les allégations de manquement au code de déontologie ont agi dans les balises fixées dans leurs lettres de mandat. Les témoins ont déploré n'avoir pas pu rendre compte pleinement de l'inconduite en cours d'enquête en raison du libellé des lettres de mandat.

Recommandation

28. Que le SRP examine le processus qui aboutit au mandat d'enquêter afin que les lettres de mandat soient rédigées adéquatement, et particulièrement en matière d'inconduite sexuelle, que les lettres de mandat soient rédigées de manière détaillée et qu'elles englobent tous les éléments essentiels de l'inconduite alléguée.

Acronymes

  • Agent de la responsabilité professionnelle – ARP
  • Chimique, biologique, radiologique, nucléaire et explosif – CBRNE
  • Collège canadien de police – CCP
  • Commandant – c.div.
  • Direction générale de la Gendarmerie royale du Canada – DG
  • Direction des représentants de l'autorité disciplinaire – DRAP
  • Direction des représentants des membres – DRM
  • Énoncé conjoint des faits – ECF
  • Équipe de l'examen des processus – EEP
  • Gendarmerie royale du Canada – GRC
  • Groupe de la formation aux explosifs – GFE
  • Installations des Opérations techniques et des Missions de protection – IOTMP
  • Membre civil – m.c.
  • Secteur de la responsabilité professionnelle – SRP
  • Sergent d'état-major – s.é.-m.
  • Service de police d'Ottawa – SPO
  • Sous-officier responsable – s.-off. resp.
  • Système d'intervention rapide national – SIRN
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