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S’attaquer de front à la délinquance

Contrer avec succès le crime organisé

Des membres de l'UMECO-CB distribuent des autocollants de la campagne End Gang Life. Crédit : UMECO-CB

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Qu'il s'agisse de narcotrafic ou de traite de personnes, la lutte contre le crime organisé local, national et international fait partie des priorités stratégiques de la GRC depuis près de 15 ans.

Pendant cette période, elle en a beaucoup appris sur les divers groupes criminalisés actifs au Canada. Si chacun a ses particularités, ils sont tous motivés par l'appât du gain et ils cherchent constamment de nouvelles façons de s'enrichir.

Rester au fait des tendances

Selon le surint. Guy Poudrier, directeur des Crimes graves et du Crime organisé des Opérations criminelles de la Police fédérale (OCPF) à la Direction générale, les OCPF travaillent sans cesse à relever les nouvelles tendances et préoccupations.

L'insp. Jean-Marc Piché, officier responsable des Crimes graves et du Crime organisé des OCPF, souligne que les groupes criminalisés tendent à délaisser les guerres de territoire.

« Le crime organisé a changé, dit-il. Ses éléments ont compris que ce n'est pas en se battant les uns contre les autres qu'ils feront de l'argent, mais plutôt en s'alliant pour atteindre leurs objectifs. Les policiers doivent être conscients de cette nouvelle mentalité. »

Combattre le crime

Ce sont ces alliances — à l'interne et avec des associés de l'extérieur — qui permettent aux groupes criminalisés de réussir dans leurs activités. Selon le s.é.-m. Allen Farrah de la Division J, c'est l'un des plus grands défis qu'a dû vaincre l'Opération J-Tornado, une enquête de trois ans.

Les renseignements ont d'abord mené l'équipe vers deux réseaux de narcotrafic qui exerçaient leurs activités au Nouveau-Brunswick depuis 20 ans. Jusqu'au démantèlement de l'organisation, ajoute le s.é.-m. Farrah, la plupart de ses membres n'avaient jamais été arrêtés.

Après deux décennies de collaboration, bon nombre des clients et des fournisseurs de l'organisation faisaient affaire avec elle sans crainte, jugeant le risque faible puisque personne ne s'était fait pincer.

« Ce genre d'amitié et de loyauté donne l'assurance à chacun que personne ne dénoncera ses complices », explique le s.é.-m. Farrah.

C'était sans compter avec les Opérations fédérales – Ouest de la Division J, qui réunissaient à un certain moment 25 à 30 enquêteurs à temps plein. Leur équipe a arrêté et accusé 28 personnes et saisi des armes à feu, des espèces et une forte quantité de drogues, y compris de la cocaïne, de l'héroïne et de la marihuana.

« C'est comme quand un commerce légitime, un café par exemple, ferme soudainement ses portes après 20 ans dans le quartier. Ce genre de chose produit un effet sur bien des clients fidèles », fait observer le s.é.-m. Farrah.

L'équipe a constaté que l'organisation essayait de se tailler une place au Nouveau-Brunswick pour accaparer le marché de l'héroïne dans un secteur où elle se vend 8 000 $ l'once.

« Je pense que l'effet d'avoir anéanti ce groupe et coupé court à ses activités de narcotrafic est assez clair », conclut le s.é.-m. Farrah.

Reconnaître les victimes

La cap. Breanne Chanel, du Groupe provincial des délits commerciaux, Crimes graves et Crime organisé de la Police fédérale (Division D), fait remarquer que les crimes financiers sont aussi différents des autres actes qui tombent dans la catégorie des crimes graves et du crime organisé que les mafieux peuvent l'être des chefs d'entreprise.

La stratégie de répression varie certainement selon le cas. Le travail policier comporte toujours une part importante de paperasse, mais les données revêtent un aspect particulièrement crucial dans le cas d'un crime financier. Et puis l'immense variété des dossiers fait que chacun exige une solide connaissance du droit pénal, du droit civil et des règlements de l'industrie.

Tout revient cependant à une chose : l'argent.

« Je pense que, de nos jours, la plupart des crimes visent le profit. C'est certainement le cas dans le monde de la criminalité grave ou organisée, estime la cap. Chanel. Qu'il s'agisse de narcotrafic, de contrefaçon ou d'autre chose, le motif est toujours financier. »

Et comme le narcotrafic, les crimes financiers ont des répercussions sociales qui dépassent le strict plan de l'argent. La cap. Chanel évoque un dossier auquel elle a travaillé en 2008, concernant une employée d'une bande des Premières nations qui avait viré à son compte personnel, sur une période de cinq ans, plus de 1 M$ en fonds appartenant à la bande.

« Dans ce cas-là, c'est la bande qui a payé le prix, car les fonds en question devaient servir au bien de toute la communauté, insiste-t-elle. Imaginez les programmes sociaux et les logements que cet argent aurait pu aider à financer. Et je ne parle même pas de la confiance que la communauté a perdue à l'égard de ses organes et mécanismes de gouvernance. »

Sensibiliser le public

Il semble pourtant que l'aspect lucratif d'un crime soit proportionnel aux risques qu'il entraîne pour la sécurité publique. L'annonce du Projet OPAPA, une enquête de 10 mois menée par la GRC sur la traite de personnes et le travail forcé à Hamilton (Ontario), a sidéré les Canadiens.

« C'était tout un choc », reconnaît la gend. Lepa Jankovic, principale enquêtrice au dossier. « Je cherchais de l'information sur la traite de main-d'œuvre auprès de divers organismes, et personne n'en avait. »

Elle affirme cependant que la traite de personnes est si répandue au Canada que le phénomène se voit dans toute municipalité où passe une route. Parce que la marchandise humaine rapporte gros.

« En forçant une seule femme à se prostituer, on peut gagner en moyenne 1 500 $ par jour en argent liquide, explique la gend. Jankovic. Avec deux, trois ou quatre, on atteint facilement au moins un million de dollars par année. »

Contrairement aux drogues, les victimes de traite sont réutilisées chaque jour, que ce soit à des fins d'exploitation sexuelle, de travail forcé ou de servitude domestique. Et puis, ajoute la gend. Jankovic, quand la police les découvre, elle ne peut pas en faire des pièces à conviction et les ranger sur une tablette comme des sacs de cocaïne. C'est l'une des plus grandes difficultés.

Malgré tout, les affaires comme le Projet OPAPA, qui a permis d'arrêter 31 suspects, d'en accuser 23 et de secourir 23 victimes, compliquent les choses pour les trafiquants en suscitant une forte attention médiatique et en braquant les feux sur le phénomène.

Privilégier d'autres options

Il est crucial d'obtenir l'appui du public à la fois pour prévenir et pour réprimer la criminalité organisée dans les communautés canadiennes. Mais l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé de la Division E (UMECO-CB) aborde la chose sous un angle particulier.

Ces deux dernières années, elle s'est intéressée aux façons de décourager l'adhésion à un gang.

« Comme bien des corps policiers, nous excellions dans la répression, la perturba-tion et l'exécution de la loi », d'affirmer le serg. Lindsey Houghton, agent des relations avec les médias de l'UMECO-CB. « Nous cherchons cependant toujours à nous améliorer, et ce que nous ne réussissions pas à faire, du moins de façon satisfaisante, c'était de mobiliser le public. »

C'est de là que lui est venue l'idée de la campagne End Gang Life, qui vise à rappeler aux membres de gang que le crime organisé peut leur coûter la vie, question de les inciter à repenser leurs choix, ne serait-ce que pour le bien de leurs enfants.

La campagne a jusqu'à maintenant suscité une montagne de commentaires positifs et a même contribué de façon directe à convaincre certaines personnes de quitter leur gang. Autant de résultats qui apportent un complément à tout le reste du travail de l'équipe.

« Je compare cette stratégie à une table ayant quatre pattes. Une table qui repose sur les trois pattes de la répression, de la perturbation et de l'exécution de la loi n'est pas aussi stable sans la quatrième patte, celle de la prévention et de l'éducation », fait valoir le serg. Houghton.

L'UMECO-CB cherche maintenant à chiffrer ces méthodes de prévention en comparant les sommes investies pour aider les gens à quitter un gang aux coûts des services de police qui leur seraient consacrés autrement. Aucune étude n'a encore été réalisée à ce sujet dans la province, et le serg. Houghton s'attend à des résultats intéressants.

« Dans le milieu policier, la prévention est souvent négligée, estime-t-il, mais il faut y consacrer temps, argent et énergie, parce qu'elle marche extrêmement bien et elle coûte toujours moins cher. On peut sortir des sentiers battus sans sacrifier l'efficacité. »

Reproduit avec la permission du Pony Express ().

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