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Le port d'une prothèse personnalisée a aidé le cap. Tim Belliveau à amorcer le dialogue au sujet de son accident de travail et à passer outre pour offrir son aide aux autres. Crédit : Paul Greene, GRC

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La balle de neuf mm qui a fait perdre l'oeil gauche au cap. Tim Belliveau est suspendue à une chaîne en or au cou de ce dernier. La pièce de métal aplati lui sert à entamer le dialogue sur le jour qui a changé sa vie et la façon dont ce dialogue l'a aidé à guérir de ce traumatisme.

« C'est une expérience étrange. J'étais normal, puis, un jour, tout a basculé », explique le cap. Belliveau, instructeur à la Section de la formation tactique de la GRC à Fredericton (N.‑B.). Auparavant, il avait consacré la presque totalité de ses 38 ans à la GRC au Groupe tactique d'intervention.

Le cap. Belliveau travaillait à la formation depuis cinq ans lorsqu'en janvier 2012, un accident a bouleversé sa vie. Durant une formation dans la salle de tir, une balle tirée par un étudiant a fait ricochet sur une grille de lampe pour toucher la joue gauche du caporal avec la force d'un coup de poing.

La perte de son œil gauche a eu des répercussions sur son œil droit : une atténuation de la profondeur de champ et une vision floue. Il a subi des ecchymoses aux mains à force de se heurter aux objets. S'il en rit aujourd'hui, à l'époque c'était une source de frustration et de colère.

« Il me semblait que jamais les choses ne s'amélioreraient; je m'apitoyait naturellement sur mon sort », de dire le cap. Belliveau. Après une consultation avec un psychologue pendant huit mois, celui-ci lui a fait comprendre que cet état était normal et il l'a aidé à mieux composer avec la situation.

Près de cinq mois après l'accident, le cap. Belliveau a repris le boulot mais avec une charge de travail limitée. Les émotions encore à vif, il a accepté le rôle d'instructeur pour le cours En route vers la préparation mentale, avec l'espoir que son expérience trouverait écho chez les participants. En bout de ligne, l'initiative a été bénéfique pour lui aussi.

« Je parlais de certains aspects du cours qui m'ont aidé et, dans l'exposé, j'en ressentais les effets de nouveau », explique le cap. Belliveau.

D'abord embarrassé par son apparence, le cap. Belliveau faisait l'exposé en baissant la tête et en évitant le regard des autres. Mais les gens voulaient l'entendre. Au début, il ne pouvait parler de son expérience sans pleurer, gêné par une émotivité à laquelle il n'était pas habitué.

Mais avec le temps, en se livrant, il s'est rendu compte que les autres n'en étaient nullement gênés et il a repris de l'assurance. Aujourd'hui, il porte une prothèse oculaire dont la pupille est remplacée par l'emblème du GTI peint à la main.

« Pendant un temps, j'avais une prothèse appariée à mon autre œil, mais c'était une source de distraction. Les gens regardaient tour à tour chaque œil, perplexes. Cette prothèse-ci rend les choses évidentes. Les gens comprennent que cet œil est faux et ils passent à autre chose. »

Le cap. Belliveau travaille toujours à la formation tactique, mais depuis l'accident, il n'est jamais retourné sur la ligne de front, et n'a jamais porté d'arme à l'extérieur du centre de formation.

Même avec une vision périphérique atténuée à sa gauche, le cap. Belliveau s'est habitué à ne voir que d'un œil. La plupart du temps, il ne se souvient même pas du temps où il avait ses deux yeux.

« J'ai appris à composer avec la réalité, souligne‑t‑il. Une fois qu'on accepte celle‑ci, on peut tourner la page et profiter de la vie. »

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