Vol. 79, Nº 3Reportages

Homme retirant le disque dur d'un ordinateur.

En quête d’éléments de preuve concrets

Des non-spécialistes formés au triage des appareils numériques

Le programme de triage des éléments de preuve numérique forme des membres à l'analyse sur place des cellulaires et ordinateurs saisis. Crédit : Serge Gouin, GRC

Par

Kathleen Vilac, membre civile de l'Équipe intégrée d'enquête sur les homicides (EIEH) de la GRC en C.-B., se remémore l'un des premiers cas auquel elle a collaboré dans le cadre du programme de triage des éléments de preuve numérique (TEPN).

On était en 2012, et il s'agissait d'une affaire de nourrisson secoué. Mme Vilac s'était vu confier un ordinateur saisi par l'EIEH pour y rechercher des éléments de preuve.

Dans le passé, de telles pièces à conviction auraient été transmises directement à un spécialiste de l'expertise judiciaire numérique du Groupe de la criminalité technologique (GCT) de la province. À ses débuts, le groupe avait communiqué avec les équipes d'enquête pour leur dire qu'il pouvait les aider à saisir et à traiter les éléments de preuve numérique.

« À l'époque, nous avions moins de travail que les enquêteurs, précise le s.é.-m. Clint Baker, s.-off. des opérations du GCT en C.-B. Désormais, c'est l'inverse qui est vrai. Peu importe le genre d'enquête, celle-ci implique probablement des éléments de preuve numérique. »

Avec la propagation fulgurante des cellulaires et des ordinateurs, pratiquement tous les appareils saisis sont transmis au GCT, qu'ils renferment des éléments de preuve ou non. Le groupe est donc débordé et connaît un arriéré.

« Quelle utilité pour l'enquêteur de nous envoyer un appareil s'il doit attendre deux ans pour obtenir des éléments de preuve concrets?, explique le s.é.-m. Baker. Nous devons servir les enquêteurs. »

Une nouvelle façon de faire

Pour alléger l'arriéré, les membres du GCT ont créé le programme de TEPN en 2009.

L'idée était novatrice dans le secteur de la criminalité technologique. Jusque-là, seuls les spécialistes de l'expertise judiciaire numérique étaient habilités à faire de l'analyse.

« Nous devions aplanir cet obstacle, explique le serg. Ben Hitchcock, qui a participé à l'élaboration du programme. Les membres affectés au TEPN n'effectuent pas d'analyse. Ils se chargent d'extraire des données et de produire un rapport d'observation. Une distinction très importante. »

Les membres du TEPN font état de leurs observations. « N'importe qui peut constater l'existence d'une image d'exploitation d'enfant dans un ordinateur, souligne-t-il. Mais on ne peut pas retracer nécessairement l'origine de l'image, comment elle s'est retrouvée dans l'ordinateur, ni à quel moment – de telles données nécessitent une analyse du spécialiste des éléments de preuve numérique. »

Le programme libère le spécialiste en expertise judiciaire numérique et lui permet de se concentrer sur son travail en laboratoire. Le membre du TEPN peut déterminer si un appareil numérique renferme des éléments de preuve et s'il doit être envoyé au GCT pour une analyse approfondie, contribuant ainsi à réduire l'arriéré.

« Nous ne participons à l'exécution d'un mandat de perquisition que s'il y a un élément de nature complexe ou nécessitant notre expertise », explique le serg. Gerry Louie, coordonnateur du programme TEPN.

Les membres du programme contribuent à remettre plus rapidement les éléments de preuve numérique entre les mains de l'enquêteur.

« L'enquêteur n'est plus aux prises avec des informations post-mortem périmées, précise le serg. Hitchcock. Désormais, il reçoit des courriels, des messages textes – toute communication rédigée à l'ordinateur – dans les heures suivant une arrestation. »

Dans l'affaire du nourrisson secoué, une fois les données extraites de l'ordinateur, Kathleen Vilac a relevé des éléments montrant qu'avant le crime, le suspect avait fait des recherches dans Internet sur les médicaments pour enfants pour le rhume et la grippe. Et par la suite, il avait fait une recherche sur le syndrome du nourrisson secoué et ses effets.

« Chaque fois qu'on relève un élément pouvant aider l'enquêteur à porter des accusations ou à interroger un suspect, c'est très satisfaisant, explique Kathleen Vilac. C'est un moment victorieux! »

Portée nationale

Le programme TEPN a formé plus de 200 membres en C.-B. Les membres réguliers sur le terrain et les membres civils, comme Mme Vilac, peuvent suivre le cours de triage sur place d'éléments numériques de cinq jours ou le cours de triage mobile de quatre jours.

Et le programme s'est étendu à l'échelon national. Le GCT de la Division nationale de la GRC y a recours, ainsi que le GCT en Ontario. Il a aussi été adopté par la Police provinciale de l'Ontario et est recommandé par le Comité sur la cybercriminalité de l'Association canadienne des chefs de police.

« Le programme suscite aussi de l'intérêt à l'échelle mondiale, souligne le serg. Hitchcock. Les éléments de preuve numérique sont devenus déterminants dans bien des cas. Au niveau local, nos moyens sont limités, mais si nous élargissons la structure à un deuxième niveau qui compte plus d'effectifs, notre efficacité décuplera. »

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