Vol. 81, Nº 1Reportages

Un policier tient une papillote dans le creux de sa main, entre ses doigts.

Manipuler avec soin

Minimiser les risques du fentanyl en prenant quelques précautions

Le cap. Eric Rajah tient une papillote qui pourrait contenir du fentanyl acheté dans la rue lors d'une opération d'infiltration. Selon lui, la surexposition par contact est peu probable. Crédit : Martine Chénier, GRC

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Dans la plupart des situations où il risque d'être exposé au fentanyl, enfiler une paire de gants suffit souvent à protéger le policier contre une surexposition.

C'est ce qui ressort du rapport de la GRC sur l'utilisation par les policiers de la naloxone, cet antidote qui suspend temporairement les effets d'une surdose d'opioïdes. Le rapport indique que la naloxone n'a été administrée qu'à quatre policiers au cours de la première année de son utilisation à la GRC, entre octobre 2016 et 2017.

« Au début, il s'est dit bien des choses sur la puissance du fentanyl, sur la quantité susceptible de provoquer la surdose, ce qui nourrissait la crainte d'une surexposition, rappelle Paul von Schoenberg, conseiller national en hygiène du travail à la GRC. Nous savons maintenant que ça n'arrivera pas à celui qui applique ce qu'il a appris et qui se protège raisonnablement. »

À fleur de peau

L'absorption par la peau est possible, mais la substance doit être puissante et rester au contact de la peau longtemps, comme sur un timbre transdermique comme il en existe pour la nicotine.

« Étant donné les quantités de fentanyl dans les rues et la vitesse à laquelle il s'absorbe, la surexposition par contact est peu probable, croit M. von Schoenberg, selon lequel porter des gants non poreux et se laver les mains à l'eau froide et au savon prévient les effets néfastes.

Il ne craint pas non plus le risque d'inhaler de la poussière de fentanyl sur les lieux, puisqu'il y aurait trop peu de particules volatiles pour causer une surexposition. Le fentanyl pourra être plus facilement absorbé si l'on porte ses mains contaminées à sa bouche, son nez et ses yeux, mais même de cette manière, la surexposition est peu probable.

« Si je vous en mets dans la main, ça ne vous tuera pas. Il faut l'ingérer, souligne le cap. Eric Rajah, coordonnateur national de la lutte contre les drogues à la GRC et agent d'infiltration chevronné. Si j'en trouve dans mon travail, je le manipule comme il faut. J'évite de l'ingérer. »

Le cap. Rajah explique qu'en raison de la nature des échanges et de la façon dont les drogues sont emballées pour la revente, il y a peu de chances que la substance, qui est rarement pure, entre en contact avec la peau de l'agent d'infiltration. Et si ça arrive, le contact sera bref : l'échange se fait rapidement et la drogue est vite glissée dans une poche, hors de la vue.

« La drogue est souvent emballée en une papillote serrée, dit-il. Si je l'ouvre avec précaution, ça ne m'attaquera pas, ça ne me sautera pas au visage. Et je ne vais pas la sentir pour vérifier. »

Précautions policières

La surint. Shawna Baher a dirigé le volet sécurité contre le fentanyl de la formation offerte aux agents d'infiltration de 2015 à 2018. Selon elle, même les policiers qui achètent de la drogue en infiltration dans la rue risquent peu d'être exposés s'ils s'en tiennent à ce qu'ils ont appris.

« Les membres savent qu'ils doivent manipuler la drogue le moins possible et se laver les mains dès qu'ils reviennent à leur véhicule, où ils doivent garder des bouteilles d'eau et du savon », dit-elle.

Mais elle ajoute « mieux vaut prévenir que guérir » et prendre des précautions. En 2016, elle dirigeait les opérations d'infiltration lorsque le fentanyl s'est répandu dans les rues de Surrey, en C.-B., aux premières heures de la crise.

« On ne sait pas à quoi on a affaire, explique la surint. Baher. La puissance varie avec chaque nouvelle production vendue. »

C'est toujours en Colombie-Britannique qu'on trouve le plus grand nombre de surdoses de fentanyl au pays et que la GRC utilise le plus de naloxone depuis 2014, année où est apparu le fentanyl. Selon le rapport sur l'utilisation de la naloxone, des 244 fois où l'antidote a été utilisé pour le public, c'était à 84 pour cent du temps en C.-B.

La surint. Baher a été le deuxième policier de la GRC à administrer la naloxone au Canada et elle a élaboré l'analyse de rentabilisation pour l'utilisation de la naloxone à la GRC.

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