Vol. 79, Nº 4Nouvelle technologie

Policier qui recueille la salive d'un homme dans un petit tube transparent.

La drogue au volant

La détecter grâce à un test de la salive

L'appareil de test de salive peut être utilisé aux contrôles routiers pour détecter la présence de drogue chez les conducteurs. Crédit : Serge Gouin

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La police canadienne a trouvé un nouveau moyen de dépister les automobilistes aux fa-cultés affaiblies par la drogue : dans un projet pilote lancé plus tôt dans l'année, la GRC et plusieurs services de police canadiens, en collaboration avec Sécurité publique Canada, ont mis à l'essai deux appareils permettant de détecter la drogue à l'aide d'un échantillon de salive.

Cette étude fait partie de la démarche de la police pour se préparer à la légalisation de la marihuana, le 1er juillet 2018.

« La conduite avec les facultés affaiblies par la drogue prend de l'ampleur, et il est à prévoir que le problème s'intensifiera avec la légalisation anticipée du cannabis (marihuana), souligne le serg. Ray Moos, des Services de la circulation de la GRC, qui coordonne le projet. Nous nous préparons en conséquence. »

À la manière de l'alcootest, l'appareil de test de salive est un petit dispositif portatif que les policiers peuvent utiliser pour repérer les automobilistes aux facultés affaiblies par la drogue aux contrôles routiers. Il s'agirait d'une première au pays.

Le projet pilote

Si les appareils de dépistage de drogue sont utilisés avec efficacité ailleurs dans le monde, notamment en Australie et aux États-Unis, les chercheurs canadiens doivent s'assurer de leur durabilité et de leur efficacité dans notre climat variable et froid.

Sept services de tailles diverses dans des secteurs urbains et ruraux, dont les détachements de la GRC à North Battleford (Sask.) et à Yellowknife (T.N.-O.), ont participé aux essais échelonnés de décembre 2016 à mars 2017.

En tout, 53 policiers au pays ont été formés à l'utilisation des appareils grâce auxquels ils ont prélevé quelque 1 000 échantillons auprès de volontaires dans plus de 25 localités, dans un éventail de conditions météorologiques et à différents moments de la journée.

Les deux appareils mis à l'épreuve permettent de repérer six des drogues les plus populaires : cannabis, amphétamines, méthamphétamines, cocaïne, opiacés et benzodiazépines. Le cannabis était la drogue prédominante relevée dans l'étude, à raison de 61 p. 100 des tests positifs.

« Ces drogues représentent la majeure partie des substances en cause dans les cas de conduite avec facultés affaiblies; la capacité de les dépister immédiatement, sans faire appel à un expert en reconnaissance des toxicomanes, serait très utile, explique D'Arcy Smith, toxicologue aux Services de la circulation de la GRC. Nous pourrons alors exploiter nos ressources de façon plus efficace. »

Pour repérer les automobilistes aux facultés affaiblies, la GRC mobilise actuellement des agents rompus au test de sobriété normalisé (TSN) et formés dans le cadre du Programme d'experts en reconnaissance des toxicomanes (ERT). Avec environ

1 000 agents formés au TSN et 500 ERT, soit près de 10 p. 100 de l'effectif total, il peut être difficile de détacher systématiquement un expert à chaque contrôle routier.

« Un ERT n'est pas toujours disponible lorsqu'on est en présence d'un conducteur soupçonné d'avoir consommé de la drogue, souligne le gend. Tyler Dunphy, membre de Yellowknife ayant participé au projet pilote. L'utilisation d'un appareil de dépistage élargira le nombre de membres aptes à repérer les conducteurs aux facultés affaiblies et permettra d'appréhender un plus grand nombre d'entre eux. »

En gros, le projet pilote montre qu'avec une formation pertinente, l'appareil de test de salive constituera un outil utile aux po-liciers dans la répression de la conduite sous l'influence de la drogue.

La prochaine étape

Si les appareils permettent effectivement de détecter la présence de drogues, M. Smith souligne qu'il n'y a pas toujours de lien direct avec l'affaiblissement des facultés. La limite légale d'alcoolémie est de 80 milligrammes par 100 millilitres de sang, au-delà de laquelle la conduite d'un véhicule devient illégale selon le Code criminel. Aucune limite légale n'a encore été fixée pour les drogues.

« Il existe des milliers de drogues, explique-t-il. Nous ne disposons pas d'un corpus d'études équivalent sur leur effet sur les facultés. Il est donc difficile d'établir un seuil. Il faut également tenir compte de la tolérance et de la réaction individuelle à chaque drogue. »

Malgré ces écueils, la police n'abandonne pas la partie pour ce qui est de réprimer la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue. Le projet pilote servira à élaborer de la formation, des lignes directrices et des normes d'application relatives aux appareils de dépistage. Si tout se passe comme prévu, la GRC distribuera l'appareil à ses membres d'ici l'été prochain.

« Cet outil s'ajoute à la trousse dont disposent nos membres pour appréhender les conducteurs aux facultés affaiblies », précise M. Smith.

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