Vol. 76, Nº 2Reportage

Après le typhon Haiyan

Des experts de la GRC prêtent main-forte à Interpol

Les flots déchaînés ont soulevé des bateaux avant de les écraser contre des maisons le long de la côte. On pouvait lire un appel à l'aide sur le bord d'un des bateaux. Crédit : GRC

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Lorsque le typhon Haiyan a dévasté une partie de l'Asie du Sud-Est le 8 novembre 2013, le Canada a préparé une intervention pangouvernementale. Affaires étrangères, Commerce et Développement, Défense nationale, Citoyenneté et Immigration et Santé Canada ont tous offert leur aide. La GRC a elle aussi contribué aux opérations de secours en fournissant son expertise en identification des victimes de catastrophe (IVC) à la cellule d'intervention d'INTERPOL.

Pour bien comprendre le type d'assistance prêtée, il faut saisir la nature et l'ampleur des dommages.

C'est aux Philippines que le typhon géant a causé le plus de ravages. Des sources l'ont même qualifié de plus violent cyclone à avoir jamais touché terre.

Sur la côte, des bateaux emportés par la marée se sont écrasés contre des maisons côtières. En zones habitées, le typhon a continué son balayage, laissant derrière lui plus de 6 000 morts, des immeubles en béton détruits, une infrastructure fragilisée et de nombreuses régions en ruines.

Le gouvernement philippin et l'aide internationale avaient pour priorité de secourir les survivants et d'assurer leur sécurité. Ainsi, la première mesure consistait à dégager la piste d'un aéroport local afin de permettre la coordination et la prestation efficaces des secours qui arrivaient dans la région.

Des équipes de recherche et sauvetage ont été mobilisées, alors que du personnel médical soignait les blessés.

Lourde tâche

Un autre aspect critique a été de déterminer le meilleur moyen de récupérer les nombreux cadavres. Cette tâche ardue permet non seulement d'identifier les morts et de préserver la salubrité et la sécurité des zones dévastées, mais aussi de gérer une opération difficile, de la façon la plus méthodique, précise et humaine qui soit.

Afin d'entreprendre cette tâche monumentale, deux agents des SSJI de la GRC se sont rendus aux Philippines pour joindre cinq experts étrangers et former une cellule d'intervention d'INTERPOL chargée de l'identification des victimes.

L'équipe est arrivée sur les lieux dans les dix jours suivant la catastrophe. Après une visite des zones les plus gravement touchées pour en évaluer les capacités en matière d'IVC, elle devait préparer un rapport détaillé. Celui-ci visait à exposer au gouvernement tous les moyens d'identification possibles ainsi que le travail de planification à envisager.

Elle a passé deux semaines dans la région pour bien comprendre les conditions sur le terrain et s'est, en même temps, informée des coutumes et traditions locales.

Les membres de l'équipe ont rencontré des responsables du gouvernement et de ministères, et ont parlé aux citoyens, aux travailleurs humanitaires, aux autorités locales et autres dans les collectivités sinistrées. Ils se sont arrangés pour trouver leur chemin au milieu des ruines et ont mobilisé leurs efforts de manière à ne pas entraver les activités urgentes.

Évaluation des capacités locales

Durant les premiers jours de la visite, les membres de l'équipe d'IVC ont interrogé les responsables sur les documents (fiches dentaires) disponibles et les systèmes de classement en place, qui pourraient les aider à accomplir leur tâche. Savoir quels documents ont été détruits par le cyclone a une incidence sur l'approche recommandée et peut modifier les plans et les processus suivis dans l'identification des morts.

En plus de chercher à connaître les ressources à leur disposition, les membres ont examiné de près les zones dévastées afin de relever des préoccupations environnementales. La récupération et la gestion des victimes de catastrophes présentent des risques sur le plan sanitaire, et il importe de savoir où gérer physiquement les cadavres et les enterrer. Il fallait aussi tenir compte de la conservation adéquate des restes non identifiés et des sites à transformer en fosses communes, au besoin.

Dans le cas des Philippines, les victimes se comptaient par milliers et étaient répandues sur un vaste territoire. Il fallait les examiner une à une pour les identifier correctement. C'est une longue opération dont la vitesse d'exécution dépend de nombreux facteurs (coûts, capacités, expertise, etc.).

L'équipe d'IVC d'INTERPOL garde à l'esprit ces questions pratiques et sait qu'elle doit veiller à l'examen des restes humains dans le plus grand respect des convenances.

Elle inspecte également les lieux de conservation des corps et s'assure que ces derniers sont bien en sécurité, car il faut les protéger des pillards (et de tout contaminants) afin de pouvoir les identifier dans les meilleures conditions.

Autre considération importante : les attentes culturelles et religieuses en ce qui a trait à la gestion et à l'enterrement des restes. On ne perd pas de vue les rites et les cérémonies, qui ne sont toutefois pas toujours possibles au moment de planifier une identification de victimes.

Dans ces cas-là, il est judicieux de recourir à des structures de communication efficaces pour justifier le bien-fondé de certains processus et certaines décisions aux familles et amis des victimes.

Des renseignements utiles

Ces considérations et d'autres sous-tendent les nombreuses recommandations et pratiques exemplaires mises de l'avant dans la planification de l'IVC. Présentes dans les rapports d'IVC, elles donnent un aperçu de la gestion de l'identification immédiate des victimes et font connaître aux autorités et gouvernements locaux les éléments à prendre peut-être en considération à des fins de planification future et en cas de situations d'urgence.

Par exemple, un répertoire centralisé de fiches dentaires ou un système de secours pour ce genre de documents peuvent assurer une identification rapide et exacte en cas d'urgence.

Après une catastrophe, le pays touché peut choisir de communiquer avec INTERPOL pour demander une aide spécialisée en IVC. Les activités d'INTERPOL dans ce domaine sont soutenues par un groupe directeur et un comité permanent, lesquels sont formés d'experts policiers et judiciaires.

Le Canada et 12 autres pays font partie du groupe directeur chargé des politiques et de la planification stratégique. Le comité permanent, quant à lui, compte plus de membres qui se réunissent régulièrement afin de discuter d'améliorations aux procédures et normes en matière d'IVC.

Expérience de l'IVC

L'année dernière, un membre de la GRC a présenté un exposé au comité permanent sur sa participation à une mission d'IVC en Algérie, en janvier 2013, à la suite d'un attentat contre un site d'exploitation gazière lors duquel environ 40 travailleurs étrangers ont été tués.

Les situations d'urgence surviennent dans différents milieux et dans différentes circonstances. En explorant les divers paysages et scénarios, les intervenants peuvent mieux aiguiser leurs compétences d'experts de la planification et de l'exécution d'opérations d'IVC.

La GRC participe aux activités des équipes intégrées d'évaluation en IVC d'INTERPOL et fait part de son expérience de différentes missions. Outre les efforts déployés en Algérie, les experts en la matière sont intervenus au Kenya après l'attentat de septembre 2013 au Westgate Mall, qui a fait plus de 70 morts, dont deux Canadiens.

Les experts de l'IVC de la GRC agissent également à l'échelle nationale. Le 20 août 2011, ils sont intervenus à Resolute Bay (Nun.), lors de l'écrasement d'un Boeing 737 de First Air dans lequel 12 des 15 passagers ont été tués.

Lors de catastrophes naturelles et de situations d'urgence, la communauté internationale s'empresse d'offrir son aide, soit sous forme de dons, de provisions, d'équipement, d'expertise ou d'autres services nécessaires.

L'évaluation intégrée menée par l'équipe de l'IVC d'INTERPOL après le passage du typhon Haiyan aux Philippines a aidé le gouvernement local à définir des méthodes d'identification des victimes qui soient conformes aux normes établies par INTERPOL.

Les agents de la GRC ont participé à l'élaboration d'un rapport faisant état d'un ensemble d'options destinées à aider les autorités philippines à déterminer de façon éclairée les mesures à suivre pour faire avancer l'identification et le rapatriement des victimes.

L'IVC est bien une tâche ardue et axée sur le détail, mais qui offre aux familles et amis des victimes un certain apaisement, et aux disparus, un enterrement digne.

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